Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/213

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« Dépouillés enfin de ces préjugés cruels inculqués dans les cœurs avec tant d’industrie par de vils courtisans, au lieu d’ennemis naturels, nous ne voyons dans les Français que nos concitoyens du monde, que les enfants de ce père commun qui nous a tous créés pour nous aimer, pour nous secourir les uns les autres, et non pour nous haïr et être prêts à nous égorger au commandement de rois faibles ou ambitieux, ou de ministres corrompus.

« En cherchant nos ennemis réels, nous les trouvons dans les partisans de cette aristocratie qui déchire notre sein ; aristocratie qui jusqu’à présent a été le poison de tous les pays sur la terre : vous avez agi sagement en la bannissant de la France.

« Quelque fervents que soient nos souhaits pour vos succès, quelque ardents que soient nos désirs de voir la liberté triomphante sur la terre et l’homme rétabli partout dans la pleine jouissance de ses droits, nous ne pouvons par un sentiment de notre devoir, comme citoyens amis de l’ordre, voler en armes à votre secours.

« Notre gouvernement a engagé la foi nationale que les Anglais resteraient neutres. Dans cette lutte de la liberté contre le despotisme les Bretons rester neutres ! Ô honte ! (Vifs applaudissements.)

« Mais nous avons donné à notre roi le pouvoir à discrétion ; il nous faut obéir : nos mains sont enchaînées, mais nos cœurs sont libres et ils sont avec vous. (Applaudissements réitérés.)

« Que les despotes allemands agissent comme ils le voudront, nous nous réjouirons de leur chute… Nous voyons aussi, sans aucun intérêt, que l’Électeur de Hanovre (il était en même temps roi d’Angleterre) joigne ses troupes à celles des traîtres et des brigands.

« Mais le roi d’Angleterre fera bien de se souvenir que l’Angleterre n’est pas le Hanovre ; s’il pouvait l’oublier, nous ne l’oublierions pas. (Vifs applaudissements.)

« Tandis que vous jouissez, frères et amis, de la gloire enviée de défendre seuls la liberté, nous anticipons avec transport sur l’avenir pour y voir les avantages sans nombre et le bonheur que vous procurerez aux hommes si vous réussissez, comme nous le désirons ardemment : la triple alliance non des couronnes (applaudissements), mais des peuples de l’Amérique, de la France et de la Grande-Bretagne, donnera la liberté à l’Europe et la paix à l’univers. (Applaudissements réitérés.)

« Chers amis, vous combattez pour le bonheur de l’humanité entière. Est-il pour vous aucune perte, quelque sanglante qu’elle soit, comparable à l’avantage glorieux et sans exemple de dire : L’univers est libre ; les tyrans et la tyrannie ne sont plus ; la paix règne sur la terre et c’est aux Français qu’on le doit.

« Le désir d’avoir le concours de différentes sociétés répandues dans toute l’Angleterre a retardé l’envoi de cette adresse. Des succès inouïs dans