Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/217

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naissante des esprits et l’exaltation dès espérances. « Depuis la Révolution, s’écria Grégoire, les trois Assemblées ont reçu des Anglais et presque des seuls Anglais, des lettres et des adresses dictées par l’esprit de fraternité, l’amour des hommes et la haine des tyrans ; c’est un présage qu’elle est prochaine, l’époque où les deux peuples anglais et français s’uniront par liens indissolubles… Que le cri de l’amitié retentisse des rives de la Seine à celles de la Tamise ! » Cette fois encore, la Convention ordonna la traduction de l’adresse, et son envoi aux départements et aux armées.

Le jeudi 22 novembre, communication fut donnée à la Convention d’une adresse des citoyens de Sheffield, qui est de la plus haute importance. Elle émanait en effet d’une grande ville industrielle où manufacturiers et ouvriers étaient unis pour demander une extension des droits du peuple et des garanties plus sûres de liberté. Ils retracent d’abord, avec un sens très exact et très précis de tous les événements de la Révolution, leurs angoisses depuis l’origine, et leur joie de voir la Révolution triompher au dehors comme au dedans de ses ennemis, éluder les pièges des traîtres et des prétendus amis. Ils flétrissent le matamore Brunswick et le crime de l’invasion. Ils affirment que les libellistes à gages, « ceux qui vendraient leur liberté et celle de tous les hommes à la puissance qui les payerait le mieux », n’ont pas réussi à corrompre entièrement l’opinion de l’Angleterre, et que notamment la défaite de l’envahisseur, dont ces menteurs stipendiés avaient annoncé le succès foudroyant, les avait discrédités dans l’opinion du peuple anglais. Ils annoncent à mots couverts qu’ils s’engageront peut-être un jour eux-mêmes dans une action résolue pour la liberté. En attendant, ils promettent le maintien de la neutralité de l’Angleterre, et, si par malheur elle était rompue, la plus vigoureuse résistance.

« Si nous étions actuellement engagés dans la même cause, au lieu de l’être éventuellement, nous ne pourrions être plus ardents et plus sincères dans nos souhaits pour votre bonheur.

« Vous avez déjà la promesse de notre Cour qu’elle gardera la plus exacte neutralité tant que durera la guerre à laquelle vous avez été si injustement forcés. Nous nous flattons que vous pouvez entièrement compter sur ces assurances, parce que nous ne voyons pas sous quel prétexte, pour quelles raisons elle peut ou elle pourrait entrer dans une ligue aussi détestable, et se mêler du gouvernement intérieur d’une nation indépendante. Vous avez eu cependant et tout récemment des preuves trop réitérées et trop positives du parjure des rois, de la duplicité et de l’intrigue des favoris qui les environnent, pour mettre trop de confiance dans leurs promesses, ou pour être surpris quand ils y manquent

« La foi qu’ont engagée nos directeurs est celle de la nation et nous espérons, nous sommes bien persuadés qu’ils n’osent pas badiner avec elle. Cependant, comme nous ne pouvons pas répondre d’événements qui ne dépendent