Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/225

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ces association (les Académies) qui se montrèrent doués d’une âme forte et indépendante.

« Mais la raison a souvent gémi de voir des hommes enivrés par les caresses des grands et plus affamés de vaines distinctions que d’une gloire utile, rechercher avec une avidité scandaleuse le privilège exclusif de mutiler par une censure barbare les productions de la philosophie et du génie qui montraient de la sagesse et du courage. Ces mêmes hommes prostituaient leurs talents à encenser l’audace et l’impudeur des despotes, à faire l’apothéose du vice et de la sottise, qui le leur rendaient par des cadeaux, des diplômes et par cet accueil dédaigneux que la bassesse recevait comme un bienfait, que tout être pensant recevait comme une injure.

« Aujourd’hui le masque est tombé ; les géants de l’orgueil sont renversés. Le génie, rendu à ses propres conceptions, ne fera plus respirer la toile et le marbre que pour la liberté et l’égalité. »

Voici que les artistes s’adressent à la Convention pour lui demander aide et sympathie : « Les arts sont des enfants timides et ailés, qui demandent à être caressés, que l’injustice fait envoler. »

Mais comme si en ces « enfants ailés » résidait la force jeune du peuple affranchi, ils offrent des plans grandioses. Ils veulent bâtir à la Convention, pour ses séances, un temple de beauté et de majesté, où « les ambassadeurs du genre humain » ne puissent pénétrer qu’avec respect. Pour l’art comme pour la science, la Révolution semblait ouvrir toute l’étendue de l’horizon humain. Et sans doute, ces nobles pensées, ces grands rêves de science, de beauté, de liberté universelle, adoucissaient pour les Conventionnels l’éclat, un peu brutal déjà, des succès guerriers. C’est la victoire de la raison qui apparaissait dans la victoire des armées. Victoire, art, science, humanité, quel magnifique cortège à la République naissante !

DIFFICULTÉS ET DÉCHIREMENTS

Mais il y avait aussi, dès lors, bien des côtés sombres, bien des sujets d’inquiétude. D’abord, on pouvait démêler en Vendée, en Bretagne, dans le Sud-Est et le Midi, des conspirations sourdes, des germes de contre-révolution.

Dans le Midi, où la lutte des factions religieuses était restée très vive, où catholiques et protestants se haïssaient et se combattaient presque en chaque village, où le royalisme avait pu recruter aussi des adhérents dans une clientèle religieuse fanatisée, les patriotes sentaient constamment le sol miné sous leurs pas. En vain avaient-ils pris le camp de Jalès où dès la fin de 1791 s’était formé un dangereux rassemblement de contre-révolutionnaires, destiné à relier les émigrés de Turin aux royalistes de Lyon par les populations fanatiques de l’Ardèche : toujours les complots renaissaient. Dès la fin d’août,