Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/405

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À ce moment, le journal de Prudhomme, tout en combattant le projet de garde départementale, accuse non les Girondins qui la proposent, mais le Comité de surveillance qui semble s’ingénier à la rendre nécessaire. Huit jours après, dans le numéro du 6 au 13 octobre, c’est un tout autre langage. Les déclarations et les menaces de Buzot ont produit leur effet. Le journal combat violemment le projet de « maison militaire » de la Convention nationale.

Il cite d’abord les fortes paroles de Montesquieu :

« L’opinion publique se trouve sans énergie ni liberté, lorsque le corps législatif met, comme les empereurs romains, une tête de méduse sur sa poitrine, lorsqu’il prend cet air menaçant et terrible que Commode faisait donner à ses statues, lorsqu’il méconnaît les bornes de son autorité, et lorsqu’il ne sent pas bien qu’il doit se juger en sûreté comme un despote doit se croire en péril. »

Et il ajoute : « La Convention nationale se met en garde contre Paris ; qu’a-t-il fait pour exciter la défiance des représentants du peuple ? Paris s’est sacrifié pour la Révolution… Un parti, dans la Convention nationale, sollicite une garde particulière. Citoyens, prenez-y garde ; cette mesure projetée nous menace du despotisme le plus affreux. L’Assemblée réunissant tous les pouvoirs, celui de faire des lois, celui d’exécuter les résolutions publiques, qui sont les siennes propres, et celui de juger, si tel est son bon plaisir, les crimes ou les individus, si nous lui fournissons des janissaires, autant vaudra-t-il vivre sous la dynastie du sultan, ou sous l’aristocratie vénitienne… Pourquoi veut-on donner une garde à la Convention nationale ? Ce n’est pas qu’on croie qu’elle en a besoin. Le Parisien n’a-t-il pas respecté même les Maury et les Mirabeau cadet ? Mais c’est que cette garde semblerait dire hautement à toute la République : « Citoyens, les Parisiens sont des factieux » ; et c’était là le langage de Coblentz, des Tuileries, et des aristocrates de tous les partis.

« Buzot ne s’en est point caché à la séance du vendredi 12 du courant. Ce député du département de l’Eure a levé tout à fait le masque, à l’occasion d’un arrêté de la section de Marseille… Dis, Buzot, ce langage que tu as tenu n’est-il point d’un véritable factieux ? »

Ainsi la Gironde, par ses provocations imprudentes et insensées, avait tourné contre elle des esprits d’abord assez favorablement disposés.

Carra que Mme  Roland appelle « un fort bon homme à très mauvaise tête »… dont « les Annales réussissaient merveilleusement dans le peuple par un certain ton prophétique toujours imposant pour le vulgaire », refusait nettement de s’associer à la campagne de Buzot.

Je lis dans le numéro du 9 octobre : « Quoique nous ayons lu les débats sur la force armée des départements dont la Convention croit devoir s’entourer nous sommes encore à chercher la grande utilité de cette mesure… Ce n’est pas sur la force armée que doit reposer l’indépendance et la liberté de la Convention ; cette force ne peut ni l’assurer ni la garantir à la République,