Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/406

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elle est bien plus propre à produire un effet contraire ; ce sont les tyrans qui s’entourent de gardes, parce qu’ils craignent. » Et le 28 octobre, les Annales marquent leur désapprobation de la lutte systématique engagée contre la Commune : « On dirait que la Convention que rien ne peut rivaliser, et qui doit être au-dessus de toute crainte, comme elle est au-dessus de tout danger, a cependant la crainte puérile de trouver une rivale dans la Commune de Paris. »

Mais ce qui était plus grave pour la Gironde, c’était le blâme discret, mais sévère, et le désaveu public de Condorcet. Mme  Roland, qui ne lui pardonne point de s’être refusé à la tactique de coterie et de haine qui a perdu la Gironde et ébranlé la Révolution, l’accuse d’avoir cédé à la peur d’être hué par les tribunes. C’est une calomnie. C’est dans son cabinet de travail, c’est la plume à la main, qu’il a jugé et condamné la politique d’exaspération de Buzot et de Roland. Dès le 10 octobre, et quand il est visible que sous prétexte de demander à la Commune de Paris compte des objets qu’elle a reçus en dépôt le 10 août, les rolandistes cherchent simplement à assouvir leurs rancunes, Condorcet écrit avec force :

« Dans la mémorable journée du 10, un grand nombre d’effets précieux en matières d’or et d’argent ont été déposés entre les mains de la Commune de Paris ou de son comité de surveillance. Il est maintenant question de lui demander des comptes qu’elle s’offre elle-même de rendre.

« La commission dès 24 a été chargée de présenter un projet de loi à ce sujet. L’article 2 du décret porte que les déclarations qui seront faites des effets déposés demeureront secrètes. On a vainement demandé la publicité de ces déclarations, en se fondant sur ce principe aussi incontestable en matière judiciaire qu’en matière politique, que toute déclaration qui n’était point publique prenait par cela même un caractère suspect. M. Danton, en développant cette opinion, a poussé plus loin encore les arguments, en montrant que la publicité qu’on réclamait pour ces déclarations était le moyen le plus sûr de porter de la clarté dans les comptes de la Commune et de s’assurer de leur exactitude.

« Ceux qui ont conçu contre la Commune de Paris des préventions bien ou mal fondées, mais qu’ils ne veulent pas sacrifier pour le bien public, (ceux qui cèdent) à quelques ressentiments particuliers, ou peut-être même à la terreur que leur a inspirée durant quelques instants cette Commune révolutionnaire ; ceux qui voient dans les fautes qu’elle a pu commettre un prétexte de faire le procès à la révolution du 10 et d’attaquer indirectement la république, dont ils n’osent encore dire du mal hautement ; ceux qui, éloignés du théâtre de Paris où se tramaient tous les complots, où l’on machinait la ruine de la liberté, n’ont pas eu occasion de voir combien cette dernière révolution était nécessaire, et qui ne voient peut-être pas encore qu’ils n’existeraient déjà plus sans elle ; ceux enfin qui, au lieu de vouloir