certain les effets que peuvent entraîner ces grandes commotions ? Qui peut, après coup, marquer le point précis où devaient se briser les flots de l’insurrection populaire ? À ce prix, quel peuple pourrait jamais secouer le joug du despotisme ?… Non, nous n’avons point failli ; j’en jure par le trône renversé et par la République qui s’élève. »
En cela, Robespierre était visiblement dans le vrai, et il ne faisait d’ailleurs que reprendre ce que Roland lui-même avait dit après le Dix Août et même après le 2 septembre. Ce qui reste vrai, et dont Robespierre, dans les explications qu’il donne des massacres, ne parvient pas à se disculper, c’est qu’il a voulu profiter du mouvement révolutionnaire pour perdre la Gironde, c’est qu’il a ramené, autant qu’il dépendait de lui, ces vastes commotions à son moi obsédant, à son implacable orgueil. Ce qui reste vrai, c’est qu’avec cette terrible préoccupation personnelle, Robespierre saisira toujours la hache des événements pour éliminer, pour émonder toutes les influences rivales. Mais quoi ! si la Révolution était restée unie avec elle-même, si la Gironde n’avait pas dès les premiers jours déchiré la Convention, qu’eût importé, dans le large développement des forces révolutionnaires, le lancinant orgueil de Robespierre ? C’est la Gironde, qui, en dénonçant sa « dictature », la prépare. À mesure que la Révolution se resserre, elle risque de n’être plus que le piédestal d’un homme ; et les Girondins se sont acharnés à la resserrer, en ce jour lumineux de victoire et d’espérance où elle aurait pu s’élargir dans la concorde et dans la joie, ils ne peuvent alléguer, pour se détendre devant l’histoire, que du moins leur passion fut sincère ; car c’est après coup, c’est de sang-froid, c’est dans un dessein de domination politique, qu’ils suscitèrent en eux toutes leurs indignations philanthropiques au sujet des événements de septembre. Il n’y a là qu’hypocrisie, émotion de théâtre.
« Je pourrais, s’écrie Robespierre, citer en faveur du Conseil général de la Commune M. Louvet lui-même, qui commençait l’une de ses affiches de la Sentinelle par ces mots : Honneur au Conseil général de la Commune ! Il a fait sonner le tocsin ! Il a sauvé la patrie !… C’était alors le temps des élections. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
« On assure qu’un innocent a péri. On s’est plu à en exagérer le nombre ; mais un seul, c’est beaucoup trop sans doute ; citoyens, pleurez cette méprise cruelle. Nous l’avons pleuré dès longtemps, c’était un bon citoyen, c’était donc l’un de nos amis. Pleurez même les victimes coupables, réservées à la vengeance des lois, qui sont tombées sous le glaive de la justice populaire ; mais que votre douleur ait un terme comme toutes les choses humaines.
« Gardons quelques larmes pour des calamités plus touchantes. Pleurez cent mille patriotes immolés par la tyrannie ; pleurez nos citoyens expirant, sous leurs toits embrasés. Mais consolez-vous si, supérieurs à toutes les viles passions, vous voulez assurer le bonheur de votre pays, et préparer celui du monde… La sensibilité qui gémit presque exclusivement pour les ennemis