Dictature révolutionnaire de la France, ai-je dit ? En tout cas, c’est ce qu’on peut appeler le protectorat révolutionnaire de la France sur les peuples.
À coup sûr, ils ne seront pas pleinement subordonnés. Ils auront même les formes de la liberté. Ils seront appelés à élire eux-mêmes leurs administrateurs provisoires et puis leurs représentants. Mais ces administrateurs seront soumis au contrôle souverain des commissaires de la Convention et à l’intervention souveraine des commissaires du Conseil exécutif. Seuls, seront admis à voter ceux qui se seront engagés par serment à lutter contre les privilèges.
Et les délégués de chaque peuple ne seront pas autorisés à voter une Constitution semi-libérale ; ils ne pourront pas chercher de transactions entre leur état politique et social et la démocratie républicaine dont la France leur donne à la fois l’exemple et la formule. C’est donc, en réalité, la Constitution même de la France qu’ils devront adopter telle quelle ; et c’est la République démocratique universelle que décrète la Convention.
De même que les peuples ne pourront disposer de la souveraineté politique que pour des fins déterminées par la Révolution elle-même, ils ne pourront disposer que sous le contrôle de la Révolution, des biens nationaux qu’elle leur restitue. Sans doute, ils ne deviendront pas directement la propriété de la France. Ils seront gérés par des administrateurs que les peuples auront choisis. Mais ils seront destinés d’abord à payer les frais de la guerre. Ainsi, tous les biens « nationaux » seront en quelque sorte sous un séquestre révolutionnaire, c’est-à-dire à la disposition de la France. Et après avoir imposé aux peuples son gouvernement, après avoir hypothéqué au profit de la Révolution, de sa Révolution, leurs biens nationaux, elle leur impose sa monnaie. L’assignat sera offert, c’est-à-dire qu’il aura cours forcé en Europe, partout où la Révolution aura pénétré.
Grande et audacieuse tentative, chimérique aussi, car Cambon avait beau annoncer que le crédit des assignats allait être relevé par un écoulement plus étendu, la valeur de l’assignat ne résultait pas seulement du rapport entre la quantité du papier et la quantité des produits, elle dépendait aussi du degré de confiance des hommes au succès final de la Révolution. Or, à mesure qu’on s’éloignait du foyer même de la Révolution et qu’on allait chez des peuples où la Révolution ne pouvait être excitée et maintenue que par la force, cette confiance diminuait ; et c’est dans de vastes dépressions, c’est dans des creux profonds de routine, de défiance et de servitude que le crédit de l’assignat allait se perdre.
Chose curieuse ! ni la Gironde, ni Condorcet n’ont la franchise de reconnaître à quel point ce programme de Révolution imposée diffère du programme de Révolution spontanée qu’ils ont tracé d’abord. Condorcet surtout avait déclaré bien des fois, en des rapports solennels, que chaque peuple choisirait en toute liberté sa Constitution nouvelle et qu’aucune violence ne