Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/613

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais supposé que les cours alliées tendent toutes les forces qui leur restent pour porter de nouveau la guerre sur le Rhin ; supposé que ces armées viennent soutenues de magasins immenses (et je ne sais comment on pourrait les remplir) ; supposé qu’elles amènent la grosse artillerie qu’elles avaient oubliée cette année, où pensez-vous, mes concitoyens, que les Français les attendront ? Ce n’est certes pas sous les murs de Mayence, quand la Franconie et la Souabe sont ouvertes jusqu’aux limites de la Bohême et de l’Autriche.

« La crainte ridicule d’un siège d’hiver, je ne veux même pas la discuter, Elle trahit trop visiblement les pitoyables efforts de nos aristocrates pour alarmer nos concitoyens en exploitant leur ignorance des choses de la guerre. Vous, mes frères, vous riez d’aussi impudentes menaces. Vous savez bien que maintenant, au lieu de lâches aristocrates qui fuient avec tout leur avoir à la première ombre du danger, vous avez pour défenseurs des hommes libres qui ont un cœur dans la poitrine. »

Dès lors, s’il n’y a pas péril pour les Mayençais à unir leur destin à celui de la France, il faut que cette union soit complète. Il faut qu’en s’associant à la France ils participent à toute la liberté, à toute la force de la République. À quoi servirait de rester hors de la France et, pour ainsi dire, en marge de la République française, puisque c’est seulement par son aide et sous son bouclier que les Mayençais peuvent être des citoyens libres ? À quoi servirait aussi d’adopter une Constitution bâtarde qui, en laissant subsister des vestiges de privilège et d’aristocratie, supprimerait l’entière coopération de Mayence et de la France, et comment la France républicaine pourrait-elle protéger à Mayence une liberté incomplète et trompeuse dont elle a été obligée elle-même de dénoncer le mensonge ?

« Voici, mes concitoyens, le moment favorable où vous pouvez devenir et demeurer libres, aussitôt que vous aurez pris la résolution ferme de vous rattacher à la France et de faire avec elle chose commune. Ayez l’honneur d’être les premiers en Allemagne à secouer vos chaînes, ne laissez pas vos voisins vous devancer… Le Rhin, un grand fleuve navigable, est la limite naturelle d’un grand État libre, qui ne désire aucune conquête, mais qui accueille les nations qui se joignent volontairement à lui, et qui est fondé à exiger une indemnité de ses ennemis pour la guerre arbitraire qu’ils lui ont déclarée. Le Rhin restera, comme il est juste, la limite de la France ; Il n’y a pas de regard un peu exercé aux choses de la politique qui ne voie cela, et on se serait depuis longtemps décidé à ce sacrifice si un point d’honneur n’obligeait pas d’abord les Français à arracher aux tyrans la Belgique et Liège.

« Ne doutez pas que la République française n’attend que votre déclaration pour vous accorder aide et fraternisation. Si le vœu de Mayence et des habitants de la région environnante se prononce, s’ils veulent être libres et Français, vous serez tout de suite incorporés à un État libre indestructible.