vière, furent obligés de s’exiler, et Genève dut subir une Constitution oligarchique et oppressive, qui restreignait violemment la liberté de la presse et de réunion, qui faisait défense d’imprimer, tant à Genève qu’à l’étranger, sans la permission expresse du Petit Conseil, tout écrit sur les lois du pays ; qui dépouillait le Conseil général, c’est-à-dire le peuple, d’une grande part de la souveraineté ; qui lui retirait le droit de nommer la moitié des membres du Conseil des Deux Cents et d’éliminer chaque année quatre membres du Petit Conseil, et qui réduisait presque à rien le droit de représentation, c’est-à-dire de pétition.
Le système féodal apparaissait déjà si suranné, si intolérable, que la réaction genevoise de 1782 n’osa pas abolir entièrement les mesures libératrices de l’édit de 1781. Mais elle les resserra singulièrement. Elle laissa subsister, en les affaiblissant, les dépositions relatives aux biens de la seigneurie de l’État. La taillabilité personnelle resta abolie sans indemnité, et la taillabilité réelle, que l’édit de 1781 supprimait sans indemnité, fut soumise au rachat. Mais pour les fiefs des particuliers le système féodal fut rétabli en toute sa rigueur.
Les exilés, de Roveray, Clavière et d’autres, devenus les amis de Mirabeau, qui suivait avec passion tous les mouvements de liberté de l’Europe, tous les nobles efforts de l’esprit humain, formèrent à Paris une petite colonie ardente ; mais de 1782 à 1788, la réaction resta maîtresse de Genève. C’est d’abord par l’extrême cherté du pain qu’à Genève comme en France, fut provoquée d’abord l’agitation en 1789. L’hiver avait été très rude. Le Rhône et le lac étaient gelés, le blé était rare, le pain horriblement cher ; le peuple se souleva pour le ramener à quatre sous la livre, et dans son mouvement, il brisa les entraves de la Constitution de 1782.
Les magistrats proposèrent, et le peuple ratifia en février 1789, par 1 321 suffrages contre 52, un édit qui rappelait les proscrits, rétablissait l’ancienne milice bourgeoise, réduisait les impôts, admettait au droit de bourgeoisie les natifs de quatrième ou cinquième génération et reconnaissait en principe que les membres du Petit Conseil devaient être élus par le peuple. Mais l’application de ce principe était ajournée à dix ans. C’était néanmoins la voie de l’avenir ouverte à la démocratie. Le peuple témoigna sa joie par de grandes fêtes.
Au même moment, un souffle vif de liberté et de Révolution venait de France. La puissante agitation libérale du Dauphiné et de ses États avait de puissants échos à Genève. Entre Genève et Grenoble il y avait d’incessantes communications. C’est une manufacture de toiles peintes établie à Genève, sur le Rhône, tout près du lac, là où est aujourd’hui l’hôtel de Bergues, qui suggéra à un des Périer l’idée d’établir une manufacture analogue à Vizille, et un des Fazy, un des membres de la famille dont sortira le grand démocrate genevois James Fazy, avait été emmené comme employé à la nouvelle usine