de Vizille. Il y était en 1789, et il assista aux fêtes données par les Périer aux États du Dauphiné. C’est à Genève que résidait souvent à cette époque (il y avait sans doute une maison d’été) le procureur royal près la cour de Grenoble. Il y était au moment où il entendit Mounier en témoignage sur les événements des 5 et 6 octobre, et c’est aux archives de Genève que j’ai trouvé le texte de sa déposition.
« Je n’ai pas été témoin oculaire des assassinats commis à Versailles. M. de Mirabeau vint se placer derrière moi et me dit : « Monsieur le Président, quarante mille hommes arrivent en armes de Paris ; pressez la délibération, levez la séance, dites que vous allez chez le roi. » J’observe que celui qui me parlait ainsi était M. de Mirabeau. Étonné, je réponds : « Je ne presse jamais les délibérations ; je trouve qu’on ne les presse que trop souvent. » M. de Mirabeau répondit : « Mais, Monsieur, ces quarante mille hommes ! » Il est inutile de rendre compte de ma réplique. »
Ô le pauvre esprit, méfiant, susceptible et borné ! Ce « je ne presse jamais les délibérations » est d’un héroïsme prudhommesque et sot.
Sous l’influence de la Révolution française, le mouvement démocratique s’accélérait à Genève. Les bourgeois de la ville demandent une Constitution populaire, l’application immédiate au Petit Conseil du principe de l’élection par le peuple qui avait été remis à dix ans. Les habitants de la campagne entrent aussi dans l’action, et, le 15 août et le 18 décembre 1790, ils adressent aux « Magnifiques Seigneuries » de Genève une pétition pour l’égalité civile et politique. Ils y demandent la suppression complète du régime féodal.
Ce n’est plus seulement, comme dans l’édit de 1781, dans le domaine de l’État, c’est dans tous les fiefs des particuliers qu’ils réclament l’abolition sans indemnité de toute taillabilité personnelle et le rachat « à un prix modique » des cens. De plus, ils demandent que les dîmes soient abolies et que ce soit le Trésor public qui en assure le remboursement. En outre, les lods et ventes, c’est-à-dire les droits de mutation, seraient fixés dans les fiefs des particuliers à 12 pour 100 comme dans les fiefs appartenant à la Seigneurie. Ils demandent en même temps un système militaire moins onéreux, et qui les astreigne moins souvent au service en ville ; l’organisation populaire de la justice par des arbitres élus au suffrage universel ; l’extension à tous les habitants du droit de suffrage. Ils protestent contre le privilège fiscal dont jouissent les bourgeois riches de la ville. L’impôt était calculé sur le revenu ; les maisons de plaisance de la bourgeoisie n’étant pas productives de revenus échappaient à l’impôt, tandis que le champ du laboureur était surchargé. (Archives de Genève.)
C’était, comme on voit, toute une revendication vaste et précise. C’était la fin du régime féodal et l’organisation d’une démocratie égalitaire. Dans les autres cantons, plus lents que celui de Genève à s’émouvoir dans le sens dé-