Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/675

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merce. Une juste considération pour les intérêts de cet entrepreneur exige donc que de tels changements ne soient jamais faits brusquement, mais qu’ils soient amenés à pas lents et successifs, et après avoir été annoncés de loin. S’il était possible que les délibérations de la législature fussent toujours dirigées par de grandes vues d’intérêt général et non par les clameurs importunes de l’intérêt privé, elle devrait, pour cette seule raison peut-être, se garder avec le plus grand soin d’établir jamais aucun nouveau monopole de cette espèce, ni de donner la moindre extension à ceux qui sont déjà établis. Chaque règlement de ce genre introduit dans la Constitution de l’État un germe réel de désordre qu’il est bien difficile de guérir ensuite sans occasionner un autre désordre. »

C’est sans doute ce mélange de hardiesse et de prudence, c’est cette combinaison des audaces du penseur et des calculs de prudence de l’homme d’État qui séduisaient Pitt. Adam Smith, dès 1775, prépare les esprits à un grand changement dans les relations commerciales de l’Angleterre avec la France et on peut dire qu’il contribua beaucoup à rendre possible le fameux traité de commerce de 1785.

« Le second expédient au moyen duquel le système mercantile se propose d’augmenter la quantité de l’or et de l’argent consiste à établir des entraves extraordinaires à l’importation de presque toute espèce de marchandises venant des pays avec lesquels on suppose que la balance du commerce est défavorable. Ainsi, dans la Grande-Bretagne, l’importation des linons de Silésie pour la consommation intérieure, est permise, à la charge de payer certains droits ; mais l’importation des batistes et des linons de France est prohibée, excepté pour le port de Londres, où ils sont déposés dans des magasins, à charge de les réexporter !

« Il y a de plus forts droits sur les vins de France que sur ceux du Portugal ou même de tout autre pays.

« Pour ce qu’on appelle l’impôt de 1692, il a été établi un droit de 25 pour 100 de la valeur ou du prix au tarif de toutes les marchandises de France ; tandis que les marchandises des autres nations ont été, pour la plupart, assujetties à des droits beaucoup plus légers, qui rarement excèdent 5 pour 100. À la vérité, les vins, eaux-de-vie, sels et vinaigres de France ont été exceptés, ces denrées étant assujetties à d’autres droits très lourds, soit par d’autres lois soit par des clauses particulières de cette même loi.

« En 1696 ce premier droit de 25 pour 100 n’ayant pas été jugé un découragement suffisant, on en imposa un second, aussi de 25 pour 100, sur toutes les marchandises françaises, excepté sur les eaux-de-vie, et en même temps un nouveau droit de 25 livres par tonneau de vin de France, et un autre de 15 livres par tonneau de vinaigre de France.

«…Avant le commencement de la guerre actuelle, on peut regarder 75 pour 100 comme le moindre droit auquel fussent assujetties la plupart des