Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/723

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naient de plus en plus l’Angleterre et qui entraînaient dans leur orbite le prolétariat incertain encore et subordonné voulaient être garantis aussi bien contre l’omnipotence parlementaire que contre l’absolutisme royal ; et ils trouvaient leur force dans l’équilibre du pouvoir.

Pitt, après quelques mois de lutte, fait appel au pays pour la dissolution des Communes et il obtient une majorité. Ce n’est point un conservateur borné, et il cherche à introduire une réforme limitée dans le système de représentation de l’Angleterre, tout en se gardant de tout entraînement vers le suffrage universel. Il dit, le 18 avril 1785 :

« En abordant cette question, je suis sûr de rencontrer bien des résistances, car il est des personnes qui sont opposées à toute espèce de réforme. Mais je me lève avec plus d’espoir que je n’en ai jamais eu, et cet espoir me paraît solide et fondé en raison. Jamais les esprits des hommes n’ont été aussi éclairés qu’ils le sont en cette matière. Jamais le moment ne fut plus propice à la discussion. Un grand nombre des objections qui ont été faites jusqu’ici à la réforme ne portent pas contre la proposition que je vais vous soumettre, et la question, en vérité, est toute neuve pour cette Chambre.

« Je sais la difficulté qu’il y a à proposer un plan de réforme. Le nombre des gentlemen qui y sont hostiles est légion. Ceux qui, avec un respect superstitieux, révèrent la Constitution au point de ne pas oser toucher même à ses défauts, ceux-là ont toujours réprouvé toute tentative de purifier la représentation. Ils reconnaissent ce qu’il y a en elle d’inégalités et d’impuretés ; mais dans leur enthousiasme pour le grand édifice, ils ne veulent pas tolérer qu’un réformateur, de ses mains profanes, vienne réparer les dommages qu’il a soufferts du temps.

« D’autres qui, percevant les défauts nés des circonstances, seraient désireux de les amender, résistent cependant à cette tentative, pour la raison que si une fois nous touchons à la Constitution en un seul point, le respect qui nous a jusqu’ici préservés des audacieux interprètes de l’esprit d’innovation tombera et que l’on ne peut prévoir à quelle extrémité on sera conduit sous prétexte de réformation. Il y en a d’autres, mais j’avoue que pour ceux-là je n’ai pas le même respect, qui considèrent que l’état présent de la représentation est pur et convenable à tous les desseins, conforme à tous les principes de la Constitution. La Chambre des Communes est un édifice ancien qu’ils sont habitués à regarder avec révérence et respect ; depuis le berceau ils sont accoutumés à voir en elle un modèle irréprochable : leurs ancêtres ont joui de la liberté et de la prospérité à l’abri de cet édifice, et toute tentative pour y faire le moindre changement paraît impie et sacrilège à ces fanatiques admirateurs de l’antiquité. Personne ne révère plus que moi cette institution antique ; mais tout le monde sait que les meilleures institutions, pareilles à des corps humains, portent en elles-mêmes des germes de décadence et de corruption, et voilà pourquoi je crois que j’ai raison de proposer des remèdes