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Page:Jaurès - Histoire socialiste, III.djvu/848

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« Quoiqu’il puisse être vrai que l’héritage et le privilège de tester sont les conséquences nécessaires du système de propriété, dans une communauté dont les membres sont enveloppés de préjugés et d’ignorance, il n’est pas difficile de trouver des cas, dans tous les pays policés de l’Europe, où l’institution civile, au lieu de garantir seulement, dans les inégalités d’accumulation, ce qui ne peut être prudemment enlevé, s’est appliquée elle-même et de parti pris, à rendre ces inégalités plus grandes et plus oppressives. C’est par exemple, le système féodal, le système des rangs, des droits seigneuriaux, des amendes, des corvées de transport, des substitutions (entails) ; c’est la distinction dans la propriété foncière en franche tenure (freehold), tenure enregistrée (copyhold), et seigneurie (manor). Nous reconnaissons là la politique des hommes qui, s’étant créé une supériorité par les moyens que nous avons indiqués, en ont abusé pour monopoliser tout ce que leur rapacité peut saisir, en opposition avec l’intérêt général. »

Godwin ne veut procéder qu’avec ménagement à la suppression du système féodal, et ici encore le grand « utopiste » révèle un sens très net de l’histoire et de l’évolution.

« Il existe souvent, dans une communauté, des abus qui, quoiqu’ils ne soient à l’origine qu’une sorte d’excroissance, se sont à la longue tellement incorporés aux principes de la vie sociale, qu’ils ne peuvent être soudainement arrachés sans qu’on s’expose aux plus redoutables calamités. Les droits féodaux et les privilèges du rang n’ont, considérés en eux-mêmes, aucune légitimité. Les inégalités de propriété constituent peut-être un état par lequel il était nécessaire que nous passions, et qui a été l’excitant originaire au développement des facultés de l’esprit humain. Mais il serait difficile de montrer que la féodalité et l’aristocratie ont produit un excédent de bien. Oui, et pourtant, si elles étaient soudainement et instantanément abolies, deux maux suivraient nécessairement. D’abord, la réduction abrupte de milliers d’hommes à une condition qui est l’inverse de celle à laquelle ils ont été accoutumés jusqu’ici, qui est peut-être la plus favorable au bonheur humain et au mérite humain, mais dont l’habitude les a rendus entièrement incapables, serait une source continuelle de tristesse et de souffrance. On peut douter que la plus juste cause de réforme demande qu’en son nom nous condamnions des classes entières d’hommes à l’infortune. En second lieu, toute tentative brusque pour abolir des pratiques dont l’introduction ne peut en aucune façon se légitimer, serait interprétée comme une attaque à la société elle-même et accompagnée de convulsions redoutables et de pronostics sombres. »

Ainsi, c’est avec les révolutionnaires modérés de France, avec ceux qui s’appliquaient le plus à maintenir une indemnité aux droits féodaux supprimés, que Godwin aurait été d’accord. Quel contraste, semble-t-il, entre la hardiesse des principes, qui sont la négation même de toute propriété exploi-