Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/144

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constances et la nécessité d’augmenter ou de diminuer la force des armées. »

Si j’ai anticipé sur la marche des événements en citant, dès maintenant, une instruction du Comité de salut public qui n’existe pas encore, c’est pour marquer avec précision l’immensité de l’effort que supposait la loi d’organisation du 24 février. C’eût été peu de chose s’il avait suffi de grouper deux bataillons de volontaires constitués et encadrés avec un bataillon de soldats de ligne, et de soumettre, à l’intérieur de chaque brigade ainsi formée, l’avancement au mode fixé par la loi. Mais les éléments mêmes de ces brigades étaient très dispersés. Et la proportion des cadres à la force de chaque armée était si variable qu’il fallait d’abord transporter une partie des cadres d’une armée à une autre. Et encore ce transport n’était pas toujours possible parce que les armées n’étaient pas homogènes. Il y avait, par exemple, des volontaires spéciaux à destination de la Vendée et qui s’étaient engagés exclusivement pour cette guerre. Ceux-là ne pouvaient être versés dans la masse.

« L’armée de la Vendée sera composée de deux éléments que les circonstances ne permettront pas de confondre. Ils (les commissaires) feront effectuer l’incorporation des recrues levées en exécution du décret du 24 février, mais ils maintiendront en bataillons séparés les citoyens qui ne se rendent à l’armée que pour terrasser le fanatisme et dissiper les rebelles, et ils permettront à ces bataillons de se retirer, lorsque la tranquillité publique sera complètement rétablie. »

Comment ces bataillons spécialisés, qui ne pouvaient être appliqués à un autre objet, auraient-ils pu être incorporés dans une demi-brigade, et liés à des troupes, qui, elles, pouvaient être dirigées sur tous les points de la guerre ? Voici encore, à titre d’exemple, une difficulté de détail. Quand Mayence capitulera, les troupes françaises auront permission de sortir avec leurs armes, mais sous la promesse de ne plus combattre contre les alliés. Elles ne pouvaient donc plus être utilisées que contre les ennemis de l’intérieur, contre les factieux. Elles furent envoyées en Vendée, mais comment celles-là aussi, n’ayant qu’un champ d’action restreint, auraient-elles pu être associées dans une organisation permanente à des forces qui pouvaient être portées partout ? Mais la difficulté essentielle était l’inégale distribution des cadres selon les armées.

De plus, comme il était impossible de communiquer d’emblée un mouvement réglé et des habitudes strictes de discipline à une masse recrutée d’hier, sans instruction militaire et sans cadres, comme les officiers ne pouvaient conquérir sur ces levées une autorité morale immédiate, plus d’un observateur fut d’abord tenté d’imputer au principe électif, qui semblait mettre les officiers dans la dépendance des soldats, les premiers désordres inévitables. Ainsi, à l’armée de l’Ouest, les commissaires de la Convention, Goupilleau de Fontenay, et Jard-Panvillier, frappés du surcroît de difficultés qui