Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/164

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ce qui serait un vice sous un gouvernement despotique serait peut-être une vertu sous un gouvernement républicain, parce que dans celui-ci chacun et chaque chose sont à tous. J’indique moins ici les exemples que les principes, et ce que tels législateurs ont fait que ce que les nôtres peuvent faire. La fortune arrive aux hommes par un certain nombre de canaux ; la loi doit en ouvrir pour la faire écouler. Cette comparaison explique ma pensée.

« Le législateur peut encore régler l’usage que chacun doit faire de ses richesses. Pour cet effet, il peut rendre inutile le superflu ; il y en a plusieurs moyens.

« D’abord ces choses-là s’établissent d’elles-mêmes dans les républiques où les vertus sont honorées, je veux dire récompensées par les lois, car le désir de l’estime se dirigeant vers un légitime objet, il se détourne des objets vicieux. Quand la première place en public est destinée au plus homme de bien, ce n’est plus par un riche habit qu’elle est briguée. Aussi l’un des plus grands moyens d’établir les vertus dans les républiques, c’est d’y mettre, le plus souvent qu’il se peut, tous les citoyens sous les yeux les uns des autres. J’ose recommander ce souvenir à nos législateurs ; j’ose même dire que je ne leur demande pas davantage.

« Les établissements publics peuvent devenir en même temps l’écoulement naturel du superflu des riches, soit qu’ils le donnent volontairement, soit que la loi le leur demande.

« Ils le donneront volontairement quand le don sera une gloire, quand l’établissement sera vertueux et utile, quand ils jouiront eux-mêmes de leur bienfait. Nous voyons, par le fanatisme des dons faits à l’Église aux XIe et XIIe siècles, ce qu’on pourrait obtenir de l’enthousiasme des dons faits à la patrie.

« Les riches donneront encore leur superflu lorsque, le magistrat ayant une dépense extraordinaire à faire, la loi voudra qu’il puisse l’imposer sur ce superflu avec tout ce que la reconnaissance publique peut donner de récompense. Il est plusieurs de ces moyens ingénieux que l’amour du bien public inspirera.

« Enfin, le législateur peut trouver des moyens de faire écouler le superflu du riche dans le déficit du pauvre, non par ces pauvres établissements qu’on appelle hôpitaux, où l’on sème dans le sable, mais par les ateliers de travail, où l’on sème dans un terrain qui permet d’abondantes récoltes.

« Voilà tout ce que j’ai le temps de dire aujourd’hui ; je le livre aux penseurs, et j’y reviendrai une autre fois. Quant aux lois à faire sur les héritages, sur les testaments, sur les dots, sur les donations, je n’en parle point, tout le monde sait cela. »

Au fond, ce sont des vues assez médiocres. Rabaut ne paraît pas songer du tout au développement de la production. Il oublie que les capitaux accumulés doivent servir à rendre l’agriculture plus progressive, à susciter sans fin