Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/175

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mais ne vous prévenez pas. Les mesures que nous venons vous proposer pour addition à la loi du 9 décembre sont celles-ci :

« 1o La peine de dix années de fer pour tout administrateur marchand ;

« 2o Une mesure uniforme pour les grains dans toutes les parties de la République, de manière que l’on n’y connaisse plus pour toute mesure que celle du quintal du poids de 100 livres ;

« 3o Que jamais, sous peine de six ans de fer pour la première fois, et de mort pour la seconde, il ne soit permis à aucun agriculteur ou marchand de vendre un sac de blé froment et du poids de 250 livres, plus de 25 livres le sac (Murmures) ;

« 4o Que la Convention ordonne que son décret du 2 de ce mois, qui charge les directoires des départements de surveiller les magasins de la République, soit notamment exécuté dans les pays limitrophes de la République où il sera permis aux ministres de faire leurs achats de grains. »

Je ne sais pas au juste ce que les pétitionnaires entendent par les « administrations marchandes ». Il semble que celles qui achetaient du blé pour le revendre ensuite aux boulangers à des prix modérés, et souvent à perte, comme à Rouen, à Lyon, à Paris même, auraient dû trouver grâce devant eux. Mais sans doute il leur paraissait que ces municipalités, par des achats dirigés à leur gré, pouvaient faire hausser le prix des grains et favoriser ainsi les spéculations de quelques-uns de leurs membres. Peut-être aussi voulaient-ils exclure des administrations tout citoyen faisant individuellement le commerce, comme semble l’indiquer l’article 1o de leur projet : c’eût été la proscription politique de la bourgeoisie. La Convention écouta la pétition avec impatience. Elle répugnait à réglementer le commerce, et le ton hautain des pétitionnaires l’offensait. Quel était ce pouvoir nouveau qui se levait et qui, au nom de la misère, parlait si haut ? Mais voici qu’un orateur de la députation, Claude Hendelet, ajoute ceci :

« Comme vice-président de la commission des subsistances, je suis chargé, au nom de mes commettants, au nom de tous nos frères des départements… » Du coup, la Convention se souleva. Quoi ! les pétitionnaires prétendaient représenter la France ! Qu’était donc la Convention elle-même ? « Qu’on chasse cet imposteur ! À l’Abbaye ! À l’Abbaye ! » Buzot, Carra, Lehardy dénoncent le péril, et Masuyer signale l’organisation révolutionnaire.

« Il existe à Paris une société qui ne ressemble point aux sociétés populaires, mais c’est une réunion de citoyens se disant défenseurs de la République, avec laquelle les sections de Paris communiquent officiellement, par délibérations et par commissaires, et qui se croient autorisés à stipuler les intérêts des départements. »

« Oui, insiste Doulcet de Pontécoulant, Masuyer a dit vrai quand il a dit qu’il existait à Paris deux Conventions nationales ; il est vrai qu’il existe en cette ville un simulacre de représentation nationale composé d’hommes in-