Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/176

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

connus, qui se disent des départements et qui n’en sont pas ; car dans les départements il n’y a que des citoyens amis des lois, il n’y a pas de stipendiés de Coblentz. Je demande donc que vous portiez votre attention sur cette association monstrueuse. »

Nul dans la Convention ne défendit les pétitionnaires, et la Montagne semblait aussi irritée contre eux que la Gironde. Marat les attaqua avec une violence extrême :

« Les mesures qu’on vient de vous proposer à la barre pour rétablir l’abondance sont si excessives, si étranges, si subversives de tout bon ordre, elles tendent si évidemment à détruire la libre circulation des grains et à exciter des troubles dans la République, que je m’étonne qu’elles soient sorties de la bouche d’hommes qui se prétendent des êtres raisonnables, et des citoyens libres, amis de la justice et de la paix. Les pétitionnaires qui se présentent à votre barre se disent commissaires des 48 sections de Paris. Pour avoir un caractère légal, ils auraient dû avoir le maire de Paris à leur tête. Je demande d’abord qu’ils soient tenus de justifier de leurs pouvoirs. Un des pétitionnaires a parlé des départements ; je demande qu’il justifie de sa mission. Ne vous y trompez pas, citoyens, c’est là une basse intrigue. Je pourrais nommer ici des individus notés d’aristocratie, mais les mesures que je propose serviront à les faire connaître et à couvrir de honte les auteurs. Je demande que ceux qui en auront imposé à la Convention soient poursuivis comme perturbateurs du repos public. »

Et il cria encore de son banc : « Je sais qu’il y a parmi les pétitionnaires des aristocrates infâmes. »

Que signifie donc tout ceci, et quelle situation occupent entre les partis les groupements révolutionnaires ? Ils avaient reçu l’hospitalité dans le local des Jacobins. Je lis, en effet, dans le procès-verbal de la séance du 22 février, que, des citoyennes ayant demandé à se réunir aux Jacobins, Desfieux s’y oppose et observe que, la salle étant toutes les après-midi à la disposition des quatre-vingt quatre départements, défenseurs de la République, on ne peut la donner aux citoyens que le matin. Certes, il est permis de penser que si ce club avait été considéré, dès l’origine, comme un foyer d’intrigues contre-révolutionnaires, les Jacobins ne l’auraient pas accueilli. Mais il faut se garder aussi de croire qu’en les admettant dans leur local les Jacobins se solidarisaient avec ces groupements. La vérité est que, tout d’abord, les Jacobins aussi bien que les délégués des 84 départements, avaient cru les uns et les autres qu’il était de leur intérêt de se rapprocher.

Les Jacobins se considéraient comme la grande force régulatrice de la Révolution, et ils se réjouissaient de tenir le plus possible sous leur influence et, au besoin, sous leur discipline, les énergies incohérentes et tumultueuses. D’une part, ils les détournaient de la Gironde, et d’autre part, ils pouvaient les empêcher de se jeter dans des aventures qui compromissent la