Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/196

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dance après la mort du roi, et nous sommes plus malheureux depuis que ce pauvre roi n’existe plus. » Nous en avons entendu déclamer non pas contre la portion intrigante et contre-révolutionnaire de la Convention qui siège où siégeaient les aristocrates de l’Assemblée Constituante, mais contre la Montagne, mais contre la population de Paris et contre les Jacobins, qu’ils représentaient comme accapareurs.

« Je ne vous dis pas que le peuple soit coupable ; je ne vous dis pas que ses mouvements soient un attentat : mais, quand le peuple se lève, ne doit-il pas avoir un but digne de lui ? Mais de chétives marchandises doivent-elles l’occuper ? Il n’en a pas profité, car les pains de sucre ont été recueillis par les valets de l’aristocratie et, en supposant qu’il en ait profité, en échange de ce modique avantage quels sont les inconvénients qui peuvent en résulter ? Nos adversaires veulent effrayer tout ce qui a quelque propriété ; ils veulent persuader que notre système de liberté et d’égalité est subversif de tout ordre, de toute sûreté. Le peuple doit se lever non pour recueillir du sucre, mais pour terrasser les brigands. »

L’embarras de Robespierre était manifeste : il ne voulait pas perdre contact avec l’énergie révolutionnaire du peuple, même déréglée : il ne voulait pas non plus alarmer les possédants ; sur la question des subsistances il se dérobait. Les Jacobins redoutèrent si fort les suites de la journée du 25 février, le parti que les Feuillants et les Girondins pouvaient en tirer dans toute la France contre les démocrates, qu’ils envoyèrent une adresse aux sociétés affiliées. Là aussi, plus nettement encore que ne l’avait fait Robespierre, ils dénoncèrent l’émeute comme une manœuvre des ennemis de la Révolution. La question des subsistances n’avait été que le prétexte. « Pour déterminer une explosion on fit prononcer à la barre de la Convention nationale, par un orateur plus que suspect, une pétition dont le style et l’inspiration décelaient les véritables instigateurs de cette démarche. » C’étaient des émigrés rentrés en secret, des royalistes déguisés, des aristocrates, qui avaient suscité et dirigé le mouvement. « Nos alarmes ont redoublé lorsque, pour la première fois, nous entendîmes dans nos tribunes publiques des spectateurs trompés ou apostés répondre à nos conseils pacifiques en nous appelant agioteurs et accapareurs. » Dans les groupes on criait : vive Louis XVI, et les Jacobins vont jusqu’à dire « que les gros magasins des accapareurs ont été respectés ; que les boutiques des patriotes ont obtenu la préférence. » Ce n’est pas vrai : les Révolutions de Paris disent le contraire : « Ce qu’il y a de plus inouï, écrit ce journal, c’est que la plus petite boutique de détailleur fut traitée comme le plus gros magasin : on ne fit grâce à personne ou à presque personne. » Et il résulterait déjà de là que les gros magasins ne furent pas épargnés. Mais une note au bas de la page ajoute : « Quelques épiciers jacobins furent respectés. » C’est directement contraire à l’affirmation de l’adresse. Je ne crois pas qu’il y ait eu un parti pris de respecter