Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/199

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cette besogne faite, rentrez pour exterminer les traîtres et bientôt vous verrez renaître l’abondance. Que diriez-vous d’un enragé qui verrait brûler sa maison, et qui, au lieu d’aller éteindre le feu, s’amuserait à se chamailler et à se prendre aux crins avec le premier venu ? Parisiens, connaissez vos véritables ennemis ! Ceux qui vous font plus de mal que les accapareurs, ce sont les Brissotins et les Rolandiers ; foutez-leur la danse, et je vous réponds que ça ira à la fin, foutre ! »

C’est la parodie grotesque et basse du tocsin sublime qu’aux heures de péril Danton sonnait contre l’ennemi, c’est aussi la tentative pour refaire le bloc des révolutionnaires de gauche, pour dériver contre la Gironde le mouvement d’impatience d’une partie du peuple et pour refouler à l’arrière-plan de la Révolution la question économique. Croyant Jacques Roux à terre, et ayant besoin d’ailleurs de l’accabler pour justifier la conduite du Conseil de la Commune qui, malgré tout, n’aida pas le mouvement, Hébert insiste dans le no 220.

« Ce sont les mêmes Jean-foutres qui, pour empêcher qu’on ne songe à eux, font piller dans les boutiques des détaillants afin d’amener la disette et la guerre civile. »

Et plus longuement encore dans le numéro 221 :

« Tandis que nos armées engagées sur le territoire étranger étaient prêtes à être attaquées, tandis, foutre, que nos généraux les avaient abandonnées et qu’ils faisaient jabot dans les coulisses de l’Opéra, lorsque les colonnes autrichiennes allaient fondre sur elles, les fripons soudoyés par l’Angleterre ont fait piller les magasins dans Paris afin d’exciter le désordre dans le moment où on s’occupait du recrutement de l’armée. Braves sans-culottes, pouvez-vous douter maintenant que ce fût un coup monté pour vous perdre ? Regrettez d’avoir pu donner ainsi dans la bosse et jurez d’exterminer à l’avenir tous les Jean-foutres qui seraient assez malavisés pour vous tendre de pareils pièges. »

On pouvait croire que Jacques Roux, combattu par tous, désavoué par tous, était un homme fini, enseveli. Même les sections l’exécutèrent. En ce moment, la Commune provisoire qui avait succédé à la Commune révolutionnaire du Dix-Août faisait procéder, selon les termes de la loi municipale, à son institution définitive. Les délégués qui avaient été désignés par chaque section pour faire partie du Conseil général de la Commune et du corps municipal devaient être soumis ensuite au scrutin épuratoire de l’ensemble des sections, qui admettaient ou rejetaient par assis et levé les élus proposés. Il semble que la nomination du nouveau maire Pache, proclamé le 14 février, ait décidé les autorités constituées à accélérer un peu cette opération qui traînait.

« Depuis quelque temps, dit le procès-verbal de la Commune du 19 février, l’organisation de la municipalité définitive était retardée par diverses