Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/224

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rues la statue de Rousseau, la brisèrent et mirent le feu à l’arbre de la liberté. Les Girondins, débordés par la violence du mouvement royaliste et contre-révolutionnaire, opposaient en vain à cette fureur des conseils de modération : « Nous ne voulons pas la tête de Chalier : nous voulons respecter les personnes et les propriétés. » Mais ils étaient tout au bord d’un abîme de réaction.

Cette journée servit Chalier et la municipalité, car elle révéla à tous les forces de contre-révolution qui minaient la cité. Nivière-Chol comprit qu’élu des royalistes il serait leur prisonnier et leur instrument. Il se démit de nouveau. C’est encore un Girondin, le médecin Gilibert, qui fut élu. Mais la municipalité avait retrouvé toute son audace. Le procureur Laussel accusa le nouveau maire d’avoir pris part au mouvement factieux contre le Club central et le fit arrêter. Les révolutionnaires lyonnais multipliaient les appels aux Jacobins à la Convention, et ils y trouvaient des points d’appui. Tallien, dans son rapport du 25 février, était très favorable à la municipalité : il dénonçait la contre-révolution lyonnaise :

« Ci-devant nobles, financiers de hauts parages, prêtres réfractaires, mécontents du nouvel ordre de choses, tous se rassemblaient à Lyon. Ils y trouvaient ce que dans leur langage, ils appelaient la bonne compagnie. Les plaisirs, le luxe de Paris les y suivaient : ils se trouvaient là dans leur élément. »

La Convention décréta l’envoi à Lyon de trois commissaires, pris dans la Montagne, Rovère, Legendre et Basire. Les Girondins marquaient bien leur mauvaise humeur, mais timidement. Le journal de Brissot dit (numéro du 26 février) :

« On sait que des visites domiciliaires générales ont été faites dans la ville de Lyon par la volonté du Club central ; on sait qu’abreuvé de dégoût le maire avait été forcé de donner sa démission ; on sait que le parti cordelier triomphait, et que déjà il se promettait d’envoyer un renfort à ses bons amis de Paris pour purger la Convention. Il paraît qu’une réaction terrible a eu lieu. Nous n’en donnons encore aucun détail parce que nous ne pouvons en certifier aucun. Nous invitons les patriotes à suspendre leur jugement sur les récits qui paraissent en divers sens, et surtout sur le rapport que Tallien a fait aujourd’hui, au nom du Comité de sûreté générale.

« Tallien a parlé, non pas avec l’impartialité d’un rapporteur, mais avec la passion d’un correspondant du Club central de Lyon. Son rapport nous a semblé semé de contradictions, et l’auteur n’a lu à l’appui aucune pièce originale, il avait ses raisons ; car Chassé, qui les avait lues, a soutenu qu’elles étaient contraires au rapport et demandé qu’elles fussent imprimées. Cependant il proposait d’approuver la conduite du Conseil général de la Commune de Lyon, conseil presque entièrement composé de membres du Club central,