Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/260

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c’est avec une sorte de gravité sereine qu’il déduit les conséquences de la mort du roi :

« La tête du tyran vient de tomber sous le glaive de la loi, le même coup a renversé les fondements de la monarchie parmi nous, je crois enfin à la République.

« Qu’elles étaient vaines les craintes que les suppôts du despote détrôné cherchaient à nous inspirer sur les suites de sa mort, dans la vue de l’arracher au supplice ! Les précautions prises pour maintenir la tranquillité étaient imposantes, sans doute, la prudence les avait dressées, mais elles se sont trouvées tout au moins superflues depuis le Temple jusqu’à l’échafaud, on pouvait s’en fier à l’indignation publique ; pas une voix qui ait crié grâce pendant le supplice ; pas une qui se soit levée en faveur de l’homme qui naguère faisait les destinées de la France ; un profond silence régnait tout autour de lui, et lorsque sa tête a été montrée au peuple, de toutes parts se sont élevés des cris de : Vive la nation ! Vive la République !

« Le reste de la journée a été parfaitement calme ; pour la première fois depuis la fédération, le peuple paraissait animé d’une joie sereine ; on eût dit qu’il venait d’assister à une fête religieuse ; délivrés du poids de l’oppression qui a si longtemps pesé sur eux, et pénétrés du sentiment de la fraternité, tous les cœurs se livraient à l’espoir d’un avenir plus heureux.

« Cette douce satisfaction n’a été troublée que par le chagrin qu’a causé l’horrible attentat commis sur la personne d’un représentant de la nation, assassiné la veille par un garde du corps, pour avoir voté la mort du tyran.

« Le supplice de Louis XVI est un de ces événements mémorables qui font époque dans l’histoire des nations, il aura une influence prodigieuse sur le sort des despotes de l’Europe, et sur celui des peuples qui n’ont pas encore rompu leurs fers.

« En prononçant la mort du tyran des Français, la Convention nationale s’est montrée bien grande sans doute, mais c’était le vœu de la nation, et la manière dont le peuple a vu la punition de son ancien maître l’a élevé bien au-dessus de ses représentants ; car, n’en doutez pas, les mêmes sentiments qui ont animé les citoyens de Paris et les fédérés animent les citoyens de tous les départements.

« Le supplice de Louis XVI, loin de troubler la paix de l’État, ne servira qu’à l’affermir, non seulement en contenant par la terreur les ennemis du dedans, mais les ennemis du dehors. Il donnera aussi à la nation une énergie et une force nouvelle pour repousser les hordes féroces de satellites étrangers qui oseront porter les armes contre elle, car il n’y a plus moyen de reculer, et telle est la position où nous nous trouvons aujourd’hui, qu’il faut vaincre ou périr, vérité palpable que Cambon a rendue par une image sublime, lorsqu’il disait à la tribune, avant-hier matin : « Nous venons enfin d’aborder