Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/279

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sion la plus étendue et la plus animée entre deux partis de la Convention qui furent forcés de se dévoiler en s’accusant mutuellement, et qui nous firent sentir le besoin de les éloigner de la conduite générale des affaires.

« Ces deux partis se montrèrent ainsi : Danton et Lacroix étaient les chefs de l’un et correspondaient avec Dumouriez, ou plutôt cherchaient à le diriger dans ses mouvements militaires ; l’autre parti était plus nombreux, avait plus de talent oratoire, mais moins de finesse et d’intrigue politique, Gensonné et Brissot étaient à la tête de tous les Girondins et de tous leurs partisans. Ils étaient pour ainsi dire les héritiers des vues et des moyens de ce Comité, tandis que Danton et Lacroix y étaient des nouveaux venus.

« Plusieurs membres de la Convention, instruits de ces divisions dans le Comité défensif, en craignirent les résultats, et demandèrent d’y introduire de nouveaux députés pour neutraliser l’influence dangereuse des deux partis. On nomma six nouveaux membres pour entendre toutes les inculpations relatives aux correspondances de Gensonné et de Danton avec le général Dumouriez. Guyton-Morveau et moi furent au nombre de ces nouveaux membres du Comité. J’avoue que l’on employa jusqu’à vingt séances bien inutilement pour se convaincre que Danton et Lacroix voulaient exploiter seuls tous les profits et avantages de la conquête subite des Pays-Bas ; tandis que Gensonné et son parti cherchaient de leur côté à mettre de leur bord, et sous leur unique influence, le vainqueur de Jemmapes…

« Dans la dernière séance de février, au Comité de défense générale, Gensonné se vit forcé de montrer sa correspondance aussi volumineuse qu’obscure et énigmatique. Elle était écrite de manière à être entendue de celui à qui elle était adressée, non de ceux entre les mains de qui elle pouvait tomber. On y voyait le désir de dominer, d’intriguer, de diriger, de s’assurer une armée et un général pour des événements possibles de la part de l’entreprenante Commune de Paris. Mais tout cela était si précoce, si personnel, si fort limité aux Girondins, que l’opinion se tourna contre eux, et que ce Comité fut dès lors décrié, impuissant pour la défense publique, et exposé à tous les soupçons d’une assemblée naturellement défiante et toujours divisée. »

C’est comme une réalité lointaine vue à travers un milieu trouble qui déforme toutes les images et fausse tous les rapports. Barère semble faire du Comité de défense générale de la Convention la suite immédiate du Comité de défense de la Législative. Or, c’est seulement le 1er janvier que la Convention décréta la création de son Comité de défense. Barère dit, et assurément il s’imagine, qu’il n’est entré qu’après coup dans ce Comité, avec Guyton de Morveau, et pour jouer un rôle de conciliation entre les deux partis qui le déchiraient. Or, Barère est entré au Comité de défense générale le premier jour ; il a assisté à la première séance, celle du 4 janvier, comme représentant du Comité de Constitution, et Guyton de Morveau y est entré en même temps que lui, comme représentant du Comité diplomatique. (Voir