Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/283

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mités de la Convention. Il semblait qu’entre le Conseil exécutif provisoire et le Comité de défense générale, il dût y avoir harmonie, puisque l’influence girondine dominait l’un et l’autre. Et pourtant, tandis qu’au Comité de défense générale quelques girondins semblaient seconder les plans de Dumouriez, sans agir toutefois de façon efficace, la diplomatie du Conseil exécutif, au contraire, le contenait, le refoulait, interdisait ou ajournait l’expédition en Hollande.

Qu’on en finisse avec le jeu compliqué et lent de ces rouages discordants. Il est temps, pour sauver la patrie, « d’organiser le ministère, le pouvoir exécutif ».

Le 10 mars, en même temps qu’il demande le tribunal révolutionnaire, il insinue son idée.

« Il faut sauver la France des convulsions de l’anarchie ; il faut établir et consolider la République. Prenez-y garde, citoyens, la pusillanimité tue, l’audace sauve. Soyons prodigues d’hommes et d’argent, déployons tous les moyens de la puissance nationale, mais ne mettons la direction de ces moyens qu’entre les mains d’hommes dont le contact nécessaire et habituel avec vous vous assure l’ensemble et l’exécution des mesures que vous avez combinées pour le salut public. Vous n’êtes pas un corps constitué, car vous pouvez tout constituer vous-mêmes. »

Le 11, il se risque et s’engage à fond. Rompant avec la tradition défiante de la Constituante et de la Législative, reprenant avec audace, pour le salut de la Révolution menacée, ce que Mirabeau avait proposé pour le salut de la monarchie constitutionnelle, il demande que la Convention prenne les ministres dans son sein, c’est-à-dire que le Conseil des ministres soit, en réalité, le Comité suprême : et il sent si bien ce que sa motion a de hardi, qu’il écarte d’abord de lui-même, avec une prudence qui ne me paraît pas répondre à toute l’énergie de son caractère, tout soupçon d’ambition personnelle.

« S’il est dans mon opinion que la nature des choses et les circonstances exigent que la Convention se réserve la faculté de prendre partout et même dans son sein des ministres, je déclare en même temps, et je le jure par la patrie, que moi je n’accepterai jamais une place dans le ministère tant que j’aurai l’honneur d’être membre de la Convention nationale. »

« — Ni aucun de nous », s’écrient en grand nombre les députés.

Ô enfantillage ! et quelle puissance d’égarement ont donc les mots ! Tout à l’heure ils accepteront d’entrer dans un Comité de salut public qui sera le plus puissant des ministères. Danton, comprenant que cette sorte de récusation générale anéantirait en fait son système, s’empresse d’ajouter :

« Je le déclare sans fausse modestie ; car, je l’avoue, je crois valoir un autre citoyen français. Je le déclare avec le désir ardent que mon opinion individuelle ne devienne pas celle de tous mes collègues ; car je tiens pour incontestable que vous ferez une chose funeste à la chose publique si vous ne