Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/285

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solutions ; ainsi la Convention marche sans se rendre compte de ce qu’elle a fait et de ce qu’elle a à faire.

« Et c’est ici, citoyens, que j’appelle voire attention. Ne conviendrez-vous pas que placés par votre organisation même au centre de l’Europe politique, au centre de tous les peuples qui veulent être libres, vous devez donc assurer les moyens de communiquer avec eux et d’exciter ces mouvements que le despotisme a su employer si habilement ? »

Ainsi c’est d’abord pour assurer à la France une diplomatie plus secrète, plus agissante et plus directement pénétrée de l’esprit révolutionnaire, que Robespierre demande une réorganisation du pouvoir exécutif. Mais comment l’esprit révolutionnaire dont la Convention est le foyer se propagera-t-il, par l’intermédiaire du pouvoir ministériel, jusque dans les autres pays, si le pouvoir ministériel lui-même n’est pas plus immédiatement soumis aux influences, aux inspirations de la Convention ? Et le lendemain 11, quand Larevellière-Lépeaux, répondant à Danton, a ameuté les défiances et les jalousies de la Convention, quand il a déclaré que « la Convention sera dissoute si elle fait choix pour le ministère d’hommes d’une grande ambition et d’une grande audace », Robespierre se découvre plus hardiment, je crois, qu’il ne l’avait fait encore en aucun débat. Il ne se prononce pas à fond sur le système adopté ; mais il semble aller au delà de Danton et se déclarer prêt, pour sa part, à accepter la responsabilité personnelle du pouvoir. Il résiste à la Convention qui veut écarter, par l’ordre du jour, la téméraire motion de Danton.

« Une grande question s’est agitée dans le sein de la Convention nationale ; elle a paru tenir aux circonstances et au salut public. L’Assemblée a décidé de la discuter après l’organisation du tribunal révolutionnaire. C’est l’exécution de ce décret que je réclame. À peine la discussion a-t-elle été ouverte qu’on demande qu’elle soit fermée ; à peine a-t-on entendu une objection, qu’on demande à n’en plus entendre. Eh bien ! je demande, moi, qu’une question si importante aux yeux de tout homme capable de réfléchir, mise à l’ordre du jour par un décret, ne puisse pas en être écartée si facilement : je demande qu’en exécution de votre décret, et au nom du salut public, la discussion s’ouvre sur la réorganisation du ministère. Je pourrais faire aussi ma profession de foi, si j’en avais besoin. Je le déclare : je ne trouve aucun mérite à ne point accepter les places dangereuses et difficiles du ministère. Je pense qu’en les refusant on peut bien plutôt consulter son goût et son intérêt, que les principes. Je demande que nous discutions cette grande question. »

Certes, Robespierre ne se préoccupait pas seulement de mieux organiser l’action révolutionnaire au dedans et au dehors. Il savait qu’un renouvellement général de l’organisme du ministère et des comités permettrait ou d’éliminer ou de subordonner l’influence girondine. Il haïssait la Gironde d’une double haine, haine personnelle, haine révolutionnaire. Elle l’avait calomnié et humilié : et elle était une entrave à la grande action de la France nouvelle.