Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/287

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légales que, sur l’initiative de Danton, prenait ou annonçait la Convention délivraient le peuple de toute obsession sanglante.

Il y eut cependant des groupes révolutionnaires qui essayèrent une action violente. Ils avaient comme démêlé la sourde pensée de trahison de Dumouriez, et ils voulaient en finir avec la Gironde dénoncée par eux comme complice du traître. C’est la section du faubourg Poissonnière qui donna le signal. Mortimer-Terneaux a retrouvé aux archives du Comité de sûreté générale le manifeste qu’elle lança le 9 mars au matin :

« Les membres composant le comité de surveillance des défenseurs de la République une et indivisible des départements, vivement affectés des dangers qui menacent la chose publique, et notamment la ville de Paris, étant en état de permanence, ont pris un arrêté qu’ils ont cru devoir vous communiquer. Cet arrêté porte que toutes les sections de Paris, qu’ils ont crues composées de sans-culottes, sont invitées à se joindre aux défenseurs de la patrie pour opérer une insurrection, de laquelle doit résulter un bien général pour la République. Le point de ralliement est fixé aux Jacobins Saint-Honoré. Ils vous préviennent que le tocsin sonnera à cinq heures très précises du matin ; ils vous invitent à suivre leur exemple afin de rassembler un assez grand nombre de sans-culottes, pour qu’ils puissent en imposer aux factieux qui siègent dans la Convention, et pour se transporter dans toutes les maisons où s’impriment les journaux de Brissot, Gorsas, et autres de même nature. Le salut de la République nous impose cette tâche ; secondez-les en bons frères ; tous les intrigants et malveillants capitalistes frémiront en voyant notre réunion et la patrie sera sauvée.

« Aux ci-devant Jacobins de la rue Saint-Honoré, à deux heures du matin, le 9 mars 1793, an IIe de la République, Champagnat, président ; André Gadet fils, secrétaire. »

Ici encore c’est un manifeste à la fois politique et social. Il est dirigé contre les traîtres et contre les capitalistes. Le tocsin ne sonna pas. À peine sur les 45 sections qui s’étaient réunies le 8 au soir pour entendre les commissaires de la Convention, trois ou quatre étaient-elles décidées à un mouvement insurrectionnel. Les autres restaient fidèles à la Convention, à toute la Convention. Mais durant toute la séance du 9, des groupes animés, véhéments, menaçants, se pressèrent autour de l’Assemblée. Et le soir, entre 5 et 7 heures, quand la séance fut levée, ils forcèrent les ateliers de quelques journaux et détruisirent les presses du journal de Gorsas et du journal de Condorcet, la Chronique de Paris. Au Patriote français et au journal de Prudhomme ils se heurtèrent à la résistance des ouvriers. Ce n’était pas une insurrection, ce n’était plus qu’une émeute. Le mouvement n’était ni vaste ni dirigé par une force centrale. Pourtant l’agitation ne tomba pas tout de suite. Aux Cordeliers, les Enragés étaient puissants. Varlet, dans la nuit du 9 au 10, y fit adopter un appel à l’insurrection. Cette adresse disait :