Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/288

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« L’évacuation de la Belgique est l’œuvre de la faction impie qui paralyse la Convention nationale et déchire le sein de la République ; les succès des ennemis de la France sont dûs au traître Dumouriez et aux menées odieuses des Roland, des Brissot et de leurs amis, il faut donc s’en débarrasser à tout prix. »

Les sections de Mauconseil, des Lombards, du Théâtre-Français et des Quatre-Nations adhérèrent seules à l’adresse. Le mouvement n’aurait eu quelque chance de s’élargir et d’aboutir que s’il avait été approuvé par les Jacobins et par la Commune. Aux Jacobins, des fédérés, quelques militaires essayèrent en vain d’entraîner l’assemblée, elle se sépara dans le tumulte et la confusion. Varlet se rendit la nuit au conseil de la Commune. Il affirma que les Cordeliers avaient décidé les sections, que les Jacobins n’attendaient qu’un signal du pouvoir légal. Ni Pache, ni Chaumette, ni Hébert ne cédèrent à ses instances. Le coup révolutionnaire était manqué. Les forces insurrectionnelles tentèrent cependant un retour offensif. N’ayant pu dominer la Convention et l’effrayer par le soulèvement du peuple, elles se résolurent à agir directement sur elle, et dans la séance du 12 mars, les délégués de la section Poissonnière, paraissant à la barre de l’Assemblée, commencèrent à lire le discours que le président de la section avait, le 8 mars au soir, adressé aux commissaires de la Convention. Mais à peine avaient-ils dit qu’il fallait arrêter Dumouriez, qu’ils furent interrompus par une protestation violente et unanime.

« Ce sont des calomniateurs, des intrigants et des traîtres. Ils veulent perdre la patrie, ils sont les agents de l’étranger. »

Par fâcheuse aventure, les pétitionnaires, dans le désordre d’un mouvement improvisé, avaient pris un drapeau sur lequel, dans un angle, étaient brodées des fleurs de lis. Scandale et indignation. Jamais l’éloquence d’Isnard ne fut plus acerbe, et Marat, bondissant à la tribune, exécute les pétitionnaires. « Il s’abandonne, dit Mortimer-Terneaux, à l’entraînement général. » Non, c’était la suite de toute la politique prudente et profonde que j’ai caractérisée.

« Quelles qu’aient été, dit-il, les liaisons politiques de Dumouriez, quelles qu’aient été ses relations avec la cour, je le crois lié au salut public depuis le 10 août, et particulièrement depuis que la tête du tyran est tombée sous le glaive de la loi. Il y est lié par le succès de ses armes. Le décréter aujourd’hui d’accusation, ce serait ouvrir aux ennemis les portes de la République. Mais j’ai à vous dévoiler un complot horrible. Il y a déjà plusieurs jours que des suppôts de l’ancienne police, aux ordres, sans doute, des agents ministériels et des députés contre-révolutionnaires, excitent le peuple à l’assassinat. Qu’on lise la pétition de la section Poissonnière, vous y verrez qu’on y demande la tête de Gensonné, de Vergniaud, de Guadet. Ce serait un crime atroce qui ne tendrait à rien moins qu’à la dissolution de l’Assemblée. Moi-même je me suis élevé dans les groupes contre les assassins. Je me suis