veillent les fournisseurs, qu’ils hâtent la fabrication des canons, des fusils, des vêtements, des chaussures, et qu’ils empêchent la hausse des denrées de s’aggraver jusqu’à la famine.
Que de soucis ! que de décisions à prendre, soudaines, totales, dont on ne pourra partager avec la Convention trop lointaine la responsabilité ! Et comment contenir l’égoïsme des riches sans déchaîner les fureurs jalouses et les représailles forcenées des pauvres ?
C’était un redoutable fardeau qu’allaient assumer ces hommes. Mais aussi, comme le pouvoir se mesure à l’audace, quelle puissance, et quel contact intime, ardent, avec l’âme même de la Révolution, avec ses plus nobles passions et ses espérances ! La Gironde, accusée de n’être qu’une coterie brillante de discoureurs impuissants, aurait dû revendiquer sa part d’action, de péril et de gloire virile. Elle se déroba, elle laissa à la Montagne presque seule l’honneur de déléguer des commissaires. Pourquoi ? Elle a eu sans doute le sentiment qu’elle n’était plus faite pour la grande action, qu’à force de signaler les excès du peuple et d’attiédir le feu de la Révolution, elle était devenue incapable de susciter la flamme. Et je vois dans sa défaillance l’aveu secret et involontaire d’une désharmonie entre elle et la rude tâche des jours difficiles. Mais il y eut aussi un calcul plus explicite et plus sordide. Le Montagnard modéré Choudieu dit à ce propos :
« M. Dulaure prétend que l’envoi des commissaires envoyés par la Convention dans les départements fut une intrigue de la minorité qui fit nommer ses partisans pour se rendre maîtresse de l’opinion. Il ignore ou feint d’ignorer que ce fut, au contraire, une manœuvre très adroite du parti girondin qui se débarrassa ainsi de plus de quatre-vingts Montagnards, ceux-ci ayant accepté avec dévouement ces missions difficiles sans s’apercevoir du piège qu’on leur tendait. Les Girondins espéraient ainsi ne plus trouver d’opposition dans l’Assemblée, ou du moins, n’avoir plus à combattre que quelques Montagnards restés à leur poste.
« Le recrutement de 300 000 hommes servit de prétexte à ces missions, qui ne pouvaient être que désagréables pour ceux qui les acceptaient, puisqu’il s’agissait d’enlever à leurs familles 300 000 jeunes hommes, et qui même ne furent pas sans danger dans quelques départements, notamment dans ceux de la Vendée et dans les départements voisins, mais le parti de la Gironde ne sollicitait point les missions dangereuses, car jamais on ne vit un seul de ses membres prendre part à la lutte glorieuse de nos armées.
« Et M. Dulaure appelle cela une manœuvre de la Montagne ! Il faut avoir besoin de calomnier pour qualifier ainsi le dévouement d’un grand nombre de Montagnards qui surent exciter une réelle émulation parmi nos jeunes citoyens et les diriger vers la frontière pour combattre l’ennemi commun. »
Non, ce n’était pas, de la part de la Gironde, une manœuvre adroite, mais