Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/303

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

busqua. Les patriotes se trouvèrent donc assaillis sur tous les points en même temps.

« (Les insurgés) enlevaient des armes, quelques munitions, s’emparaient des canons des châteaux et de ceux qui bordaient les côtes de la mer, et de plusieurs milliers de poudre et de boulets, que le lieutenant-général Verteuil avait laissés à leur disposition. Le tocsin sonnait dans toutes les communes. Les prêtres réfractaires étaient sortis de leurs repaires, les valets des nobles et des émigrés couraient à toutes brides dans les campagnes avec des chapelets. Ils annonçaient le retour de leurs maîtres qui descendaient sur la côte avec les Anglais. Les prêtres rassemblaient les cultivateurs égarés ; ils les exhortaient à mourir pour le rétablissement de la religion de leurs pères ; ils leur montraient la couronne du ciel pour récompense de cette sainte croisade ; ils bénissaient leurs armes en leur chantant des cantiques, en leur expliquant des passages de l’Écriture sainte qui, disaient-ils, avait prédit tout ce qui se passait. « Toute la France est debout, leur criaient-ils ; Paris même a vengé sur l’Assemblée nationale le martyre de notre roi. Courage, mes amis ! Il faut rétablir son fils sur son trône. Le bras du Seigneur nous soutiendra. Qui pourrait abandonner une si belle cause ? La victoire nous attend. Marchons ! Le Dieu des armées marche avec nous ! Que peuvent les impies contre lui ? »

« Les nobles n’avaient osé se déclarer d’abord. Ils attendaient que les choses eussent pris une certaine consistance. Ils se contentaient de porter le cœur de Jésus à leur boutonnière, avec le chapelet, et d’assister aux cérémonies religieuses vêtus en paysans. Ils se firent presser par eux de les commander ; mais ils ne le firent que lorsqu’ils crurent avoir avec eux des hommes déterminés à bien combattre. Ils eurent l’hypocrisie de se laisser faire violence avant d’accepter le commandement, ils le laissaient de préférence aux bourgeois de leur parti qui avaient servi dans les troupes de ligne. Les chefs qui dirigeaient les premiers mouvements furent des gardes-chasses ou des vieux soldats. Tels étaient Joly et Savin, dans le district des Sables… Mais quand les nobles virent que les révoltés se battaient avec une intrépidité dont le fanatisme pouvait seul les rendre capables, qu’ils se précipitaient sur les canons des républicains, qu’ils les mettaient en déroute et leur enlevaient des munitions et des armes, ils ne balancèrent plus à se rendre aux invitations des paysans, ils se mirent à leur tête ; Royrand, Sapinaud, La Rochejaquelein, Bonchamps, d’Elbée se joignirent à Saint-Pol, à Chouppes, à Verteuil ; ces trois derniers qui étaient, en quelque sorte, le rebut de la noblesse, s’étaient jetés parmi les attroupés, dès le commencement. Un très grand nombre de nobles qui n’avaient pas émigré ne tardèrent pas à les imiter. »

Ainsi les nobles avaient beau se faire modestes et presque humbles. Ils avaient beau se confondre par l’habit avec les paysans et adopter en signe de