Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/334

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aurait été à Paris le 23 au plus tard. Il semble indiquer, dans son discours du 1er avril, qu’il a perdu un jour au départ. En admettant donc qu’il ne soit parti que le 22, il aurait dû arriver au plus tard le 24. Ceci coïnciderait de façon remarquable avec les paroles prononcées par Marat, à la Convention, le 29 mars, et qui paraissent avoir échappé à Mortimer-Ternaux :

« Les nouvelles désastreuses venues de la Belgique ont fait craindre à beaucoup de patriotes que, si l’on ne prenait à l’instant les mesures les plus grandes pour empêcher que nos soldats ne soient égorgés dans la Belgique, le sang de nos frères ne coulât. Je demande que Danton, qui est ici depuis cinq jours, et qui, à mon grand étonnement, n’est pas encore venu vous dénoncer cette malheureuse situation, soit entendu sur-le-champ. »

Cinq jours, cela nous reporte précisément au 24. Une fois arrivé, Danton tarda-t-il à se présenter au Comité de défense générale ? Nous ne pouvons nous autoriser de ce qu’il a dit le 1er avril pour affirmer qu’il y alla dès le lendemain. Car ce passage de son discours est trop grossièrement altéré pour qu’on en puisse rien conclure. Toute la tendance générale de son raisonnement est pourtant de dire qu’il est allé, aussitôt revenu et reposé, au Comité de défense générale. Il rappelle ce qu’il y a dit :

« Dès le lendemain ( ?) je suis allé au Comité, et quand on vous a dit que je n’y ai donné que de faibles détails on a encore menti. J’adjure tous mes collègues qui étaient présents à cette séance : j’ai dit que Dumouriez regardait la Convention comme un ramassis de 400 hommes stupides et de 300 scélérats. Que peut faire pour la République, ai-je ajouté, un homme dont l’imagination est frappée de pareilles idées ? Arrachons-le à son armée. N’est-ce pas cela que j’ai dit ?

« Plusieurs membres de la Montagne. — Oui, oui.

« Il y a plus. Camus, qu’on ne soupçonnera pas d’être mon partisan individuel, a fait un récit qui a confirmé le mien, et ici j’adjure encore mes collègues. Il a fait un rapport dont les détails se sont trouvés presque identiques avec le mien.

« — Cela est vrai. »

C’est évidemment à cette séance que se rapporte le récit du conventionnel de la Sarthe, René Levasseur. Écrits en exil, trente-six ans après les événements et par un octogénaire, les Mémoires de Levasseur sont admirables de netteté, de précision, d’élan et de force.

« Quoique je ne fusse pas membre de ce Comité (de défense générale), j’assistai à ses séances ainsi qu’un grand nombre de mes collègues, avides de recevoir des nouvelles des armées aussitôt qu’elles parvenaient à Paris. Plusieurs Montagnards et moi-même nous attaquâmes vigoureusement Dumouriez, contre lequel nous aurions voulu voir lancer un décret d’accusation. Robespierre était de la même opinion. Danton et Camus, qui venaient de l’armée, sans avoir d’avis, nous peignirent la situation véritable des affaires et l’esprit qui