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pensant que j’étais parti le jour même de l’arrêté de la Commission : je ne suis arrivé que le vendredi 29, à huit heures du soir. »

Il est impossible que Danton ait dit cela, puisqu’il avait pris la parole le 27 à la Convention, où il prononça un grand discours. Mais nous ne savons plus au juste à quel moment Danton est arrivé à Paris. C’est dans la nuit du 20 au 21 que Delacroix et lui avaient eu une entrevue avec Dumouriez. Ils n’en avaient emporté que de vagues et inquiétantes paroles. Ils étaient revenus à Bruxelles le 21 pour rendre compte à leurs collègues du résultat de cette entrevue, et la Commission décida que Danton rentrerait à Paris. Elle prit sans doute cet arrêté dans la journée même du 21. Les commissaires Treilhard et Robert écrivent de Tournay, le 24 mars, à la Convention :

« Danton vous a déjà instruit de notre situation au moment où il est parti pour Paris d’après un arrêté de la Commission. »

Et nous savons par là, avec certitude, que cet arrêté est antérieur au 24. Mais nous n’en avons pas la date précise. Le rapport publié au no 86 du Moniteur et dont parle Mortimer-Ternaux est une lettre de Delacroix à la Convention. Elle est datée de Gand le 22 mars. Or, il est visible qu’elle a été écrite après la séparation de Danton et de Delacroix et après l’arrêté de la Commission qui envoyait Danton à Paris. Il dit en effet :

« Nous avons eu la franchise, Danton et moi, de vous dévoiler tout ce qui nous faisait craindre pour le sort de notre armée et de la Belgique. Les nouvelles qui me parviennent dans cet instant, etc… »

Il n’est donc plus avec Danton. Il ajoute :

« Je vous dénonce un abus que nous avons découvert en parcourant l’armée et qui pouvait (je crois qu’il faut lire pourrait) échapper à mon collègue Danton. »

Il est clair que Delacroix complète, par un détail qui aurait pu échapper à Danton, le rapport que celui-ci va faire à Paris. Enfin, le doute n’est plus possible quand on compare la lettre adressée par Delacroix à Danton et la lettre de Delacroix à la Convention. Delacroix écrit à Danton, à la date du 25 :

« Je n’ai pu me rendre à l’armée, mon cher ami, comme nous en étions convenus. Un accident arrivé à ma voiture m’a retenu à Gand. »

Et la lettre, datée de Gand, que Delacroix écrit, le 22, à la Convention, commence ainsi : « Un accident de voiture m’a obligé à retarder de quelques instants mon retour à l’armée. » C’est donc avant le 22 que Delacroix avait promis à Danton, en le quittant, de le renseigner sur l’état de l’armée. C’est donc bien le 21 que Danton a reçu mandat des autres commissaires d’aller à Paris. Or, on allait de Bruxelles à Paris en moins de deux jours. La lettre envoyée par Delacroix à la Convention et datée de Gand, le 22, porte la mention « reçu le 23 ». Camus, qui quitta la Belgique un peu avant Danton, dit à la Convention, le 22 mars : « J’ai quitté la ville de Bruxelles avant-hier ». Si donc Danton était parti de Bruxelles tout de suite, c’est-à-dire le 21, il