Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/370

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« Généreux citoyens de Marseille, de Lyon, de Verdun, d’Avignon, de Nantes, de Bordeaux, dans vos adresses énergiques aux représentants du peuple, vous semblez inquiets de la sûreté de leurs personnes et de la liberté de leurs délibérations… Rassurez-vous, il est de l’intérêt et de la gloire de Paris de vous en répondre… les dangers qui menacent Paris ne nécessitent pas le secours de la force armée départementale ; une vigilance active, un patriotisme éclairé suffirait pour nous défendre contre les nombreux émissaires lâchés au milieu de nous pour nous porter aux derniers excès. Depuis trois mois, que n’a-t-on pas fait pour exciter une commotion dans Paris ? Rien n’a pu réussir, et rien ne réussira, si, à la première alarme, chaque compagnie de section, debout à son poste, offre dans tous les points de la ville une force suffisante pour étouffer la première étincelle de l’embrasement prémédité, et pour conjurer l’orage à sa naissance. Cette mesure toute naturelle déconcertera ceux qui, chaque matin, s’éveillent avec un nouveau plan de guerre civile. Au premier coup de la générale, ou du canon, ou du tocsin, que chaque citoyen, riche ou pauvre, saute à son fusil ou à sa pique, si nos fusils nous sont enlevés, et garde ses foyers, sa maison, sa rue, sa section, sans prendre parti, sans divaguer, et Paris, la Convention et la République est sauvée. »

Oui. c’est une diatribe venimeuse, réactionnaire et fourbe. Le journal de Prudhomme a beau donner le change en attaquant d’abord Guadet et en affectant de défendre Paris. Il a beau citer des propos à allure socialiste et révolutionnaire de Chaumette. Il a beau parler d’une troisième révolution nécessaire à la liberté et qui serait dirigée contre les riches égoïstes. Au fond, il calomnie le mouvement révolutionnaire par lequel Paris défendait le monde nouveau contre les conséquences de la trahison de Dumouriez, contre l’invasion de l’ennemi, contre le soulèvement de la Vendée. Que signifient ces accusations meurtrières et vagues contre les hommes les plus ardents de la Révolution ? Est-ce Marat, ou Danton, ou Robespierre qui voulaient s’enrichir des dépouilles des citoyens ? et comment le journal de Prudhomme ne voit-il pas qu’en diffamant les clubs, les orateurs des sections, les comités révolutionnaires, il brise tous les outils de défense et de révolution ?

Sans doute il se glissait quelque arbitraire dans les réquisitions de ces comités appelant les citoyens à l’armée et taxant les riches par l’impôt de guerre. Mais il n’y avait pas, dans la tempête tous les jours accrue, une force régulière d’administration, de perception qui permît de concentrer les trésors et les hommes par des procédés légaux et indiscutables. Le journal de Prudhomme, tout en se donnant l’air d’être très hardi, fomente tous les sophismes de contre-révolution qui paralysaient, en ces jours de crise suprême, l’action nécessaire de la France et de la liberté. Et il termine, par quoi ? par un appel aux armes qui semble adressé à la fois au pauvre et au riche, mais qui tend surtout à concentrer dans les sections et à mobiliser contre la Mon-