Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/396

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hommes. Nous avons consulté les cultivateurs ; tous ont assuré que la France a dans son sein plus de grains qu’il ne lui en faut pour sa consommation. Nous venons demander : 1o la fixation du maximum du prix du blé dans toute la République, il pourrait être, pour l’année prochaine, de 25 à 30 livres le setier ; 2o l’anéantissement du commerce des grains ; 3o la suppression de tout intermédiaire entre le cultivateur et le consommateur ; 4o et un recensement général de tout le blé après chaque récolte. »

Était-ce réalisable ? et, si on n’allait pas jusqu’à une organisation communiste de l’approvisionnement, si on ne chargeait pas la nation elle-même d’acheter le blé aux cultivateurs et de le revendre, était-il possible de supprimer tout intermédiaire ? Je ne le recherche pas en ce moment. Je constate seulement que ce programme, malgré l’apparente et officielle adhésion de toutes les autorités constituées de Paris, était celui du département plutôt que celui de la Commune. Aucun des représentants directs de la Commune, ni le maire, ni le procureur, ne prit la parole devant la Convention pour appuyer l’orateur du département.

Dans la séance de la veille, 17 avril, à la Commune, il semble bien (autant qu’on peut en juger par les comptes rendus du Moniteur et de la Chronique de Paris), que la question des subsistances y fut traitée avec réserve, et que des conseils de prudence et de modération furent, à ce sujet, donnés au peuple :

« La discussion, dit le Moniteur, s’ouvre sur les subsistances. Quelques membres proposent comme moyen de parer aux difficultés actuelles d’exposer sur le carreau de la Halle la plus grande quantité possible de farines tirées des magasins de la municipalité ; mais le substitut du procureur de la Commune pense que cette mesure ne peut que produire de grands maux, en empêchant les boulangers de s’approvisionner au dehors ; que lorsque les magasins seront une fois épuisés, la municipalité et les boulangers seront obligés d’acheter la farine au dehors, et qu’alors cela ne sera peut-être plus possible.

« Garin, l’un des administrateurs des subsistances, est sommé de déclarer s’il est vrai, comme il l’a avancé, que Paris soit approvisionné suffisamment, et qu’enfin il dise pour combien de temps l’on a des subsistances. Il répond qu’il voit avec douleur que des inquiétudes déplacées dérangent tous les projets de l’administration. Il affirme à plusieurs reprises que les subsistances ne manqueront pas, et propose à ce sujet une proclamation dont la rédaction est adoptée.

« Les commissaires des sections présents à la séance sont invités à se retirer dans leurs sections respectives, pour leur faire part de ce qu’ils viennent d’entendre sur les subsistances. »

Ainsi la Commune s’applique plutôt à rassurer, à calmer. La proclamation suggérée par Garin, et dont la Chronique de Paris nous donne le texte, est presque agressive contre ceux qui fomentent l’inquiétude :