Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/397

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« Des hommes perfides veulent jeter le trouble parmi vous, en vous donnant de l’inquiétude sur vos subsistances ; ces hommes sont ceux qui visent au bouleversement de la république, au rétablissement de la royauté ; gardez-vous de les écouter. Les subsistances de Paris sont assurées, les boulangers cuisent même plus qu’il n’est nécessaire pour la nourriture des habitants de notre ville. Si le pain a paru manquer, ne l’attribuez qu’à la crainte qu’ont de prétendus patriotes qui, en se précipitant chez les boulangers, vous ont entraînés avec eux ; ne l’attribuez qu’à l’exportation considérable hors de nos murs, que ces mêmes soi-disant bons citoyens ont faite ou ont favorisée, du pain cuit dans Paris. L’administration municipale vient de mettre des bornes à cet enlèvement en ordonnant la visite des voitures sortant de Paris, et la saisie des pains qu’elles contiendraient, mesure juste et naturelle ; car si le peuple de Paris fait des sacrifices pour maintenir chez lui le pain à un bas prix, ce même peuple doit retirer le fruit de ses sacrifices. La farine ne manquant pas dans Paris, les boulangers cuisant suffisamment, il n’y a plus de crainte, plus d’inquiétude à avoir ; nous n’avons plus de raison pour nous jeter en force chez les boulangers ; ce n’est qu’avec le calme et la tranquillité que vous pouvez mettre le sceau aux mesures sages qu’ont prises vos magistrats pour assurer vos subsistances et déjouer les infâmes complots des agitateurs. »

Évidemment, le Conseil général de la Commune qui avait, le 17 au soir, adopté cette proclamation et décidé qu’elle serait imprimée et affichée, notamment aux portes des boulangers, et envoyée aux 48 sections, n’avait pas grand goût pour la démarche à laquelle, le lendemain, l’entraîna le département. Il ne semble pas qu’aucun des membres de la Commune ait songé à se dire : Si l’on exporte du pain de Paris, c’est parce qu’il est plus cher au dehors, et s’il est plus cher, c’est parce que le maximum du prix du pain n’est pas fixé ; il faut donc adopter une taxation générale pour empêcher cette exportation de pain qui pouvait épuiser Paris. Non, il n’y a pas trace, dans les comptes rendus qui nous sont parvenus d’un raisonnement de cet ordre. En fait, même après la taxation générale des grains, il y aurait eu encore, entre le prix du pain à Paris et le prix du pain hors de Paris, un écart, puisque Paris faisait des sacrifices pour maintenir le pain même au-dessous du cours normal. Garin, en qui le conseil de la Commune a toute confiance, puisqu’il en adopte toutes les propositions, semble même contraire à tout système de réglementation. Le 29 avril, Garin et Cousin, administrateurs, soumettent au conseil, qui l’approuve, la proclamation suivante :

« Citoyens, c’est avec un vrai plaisir que les administrateurs des subsistances et approvisionnements s’adressent aux sections pour leur faire part de l’état des subsistances de Paris. La farine de commerce, quoique toujours à des prix élevés, abonde à la halle, et l’administration espère que les mesures qu’elle a adoptées et qui ont réussi jusqu’à présent, auront toujours le