Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/398

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même succès et amèneront peu à peu la baisse du prix de cette denrée ; mais, nous vous le répétons, ces mesures ne peuvent pas et ne doivent pas être publiques, et pourquoi le seraient-elles s’il ne peut résulter de leur publicité aucun bien, s’il en peut résulter du mal et surtout un mal irréparable ? À quoi servirait-il d’ouvrir aux yeux des curieux les magasins de la municipalité, les registres du département des subsistances ? Serait-ce pour connaître la conduite des administrateurs ? Mais ils en rendent tous les jours un compte exact au maire et au bureau municipal. Avec une pareille surveillance, peut-on avoir la moindre inquiétude sur sa gestion ? Serait-ce pour connaître seulement l’état des magasins et celui des marchés à livrer ? Mais il importe que ces marchés soient tenus secrets, car il se pourrait que la moindre indiscrétion empêchât la livraison des farines attendues. Il importe que la situation des magasins ne soit pas connue de tout le monde ; peut-être tous les magasins de la municipalité ne sont pas à Paris, et ne doivent-ils pas y être tous pour mieux assurer le succès de l’approvisionnement ; contentons-nous pour le moment de retirer l’avantage qui résulte de ces mesures ; un jour viendra où les administrateurs pourront vous faire le détail, non des peines, des soucis qu’elles leur auront occasionnés, mais de ces mesures elles-mêmes. Elles auraient sans doute été inutiles si, conformément à l’arrêté du corps municipal, du 3 février, on avait laissé à Paris le pain suivre le prix de la farine, comme on a fait dans toute la France. L’approvisionnement de Paris est assuré, les boulangers sont garnis, les magasins de la municipalité aussi, et ils le seront en dépit des faux patriotes et des intrigants, car ce sont eux, n’en doutez pas, chers concitoyens, qui vous sonnent l’alarme ; mais ces moyens aristocratiques sont usés, vous sentirez qu’il est plus nécessaire que jamais que tous les citoyens se rallient autour d’un maire qui a leur confiance et des officiers municipaux qui la partagent et méritent de la partager par leur dévouement sincère à la chose publique, dont les subsistances sont la base. »

Il est très vrai que le corps municipal, comme en témoigne, à la date du 1er février 1793, le registre de ses délibérations, avait recommandé au peuple de laisser le prix du pain s’élever en proportion du prix variable des farines et avait plaidé pour le principe de la liberté du commerce :

« Plusieurs sections se plaignent du renchérissement du pain, annoncent des rassemblements qui menacent les boulangers et demandent que le corps municipal prenne des mesures propres à ramener le calme. Une discussion s’élève sur la question de savoir s’il convient de porter le pain de quatre livres au prix de treize sols ou de le maintenir au prix actuel.

« Après de vifs débats, le corps municipal arrête : 1o de renvoyer cette question aux sections elles-mêmes ; 2o de leur adresser l’Avis au peuple, rédigé par le citoyen Garin, afin de les mettre en état de délibérer, avec une connaissance exacte, des motifs qui plaident pour et contre l’augmentation. »

Ainsi Garin se rappelait d’autant mieux la décision du corps municipal