Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/412

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pouvoir apparemment légal de la Commune qui servirait d’autant mieux l’insurrection préparée qu’il garderait, en effet, jusqu’au bout les formes légales, et un pouvoir ouvertement insurrectionnel, prêt à tous les coups de main et aux irrégularités les plus hardies. C’est ce qu’il appelle « deux machines de guerre qui, faites pour agir séparément, mais pouvant s’unir au besoin, doivent triompher de tous les obstacles, vaincre toutes les résistances. La mise en mouvement de ces deux machines est confiée à des agitateurs différents. Les uns doivent être censés recevoir leurs pouvoirs directement des sections parisiennes, les autres, des autorités constituées du département. Les premiers doivent montrer dès l’abord une attitude essentiellement révolutionnaire, les seconds une attitude soi-disant modératrice. »

Il se peut, en effet, que cette dualité réponde au profond et habile instinct qui guide les révolutions. Elle était d’ailleurs conforme à la tactique révolutionnaire du Dix-Août. Et sans aucun doute, ceux qui se réunissaient ainsi à l’Évêché se disaient qu’il faudrait peut-être un jour faire doucement violence à Pache comme au 10 août on fit doucement violence à Pétion. Mais je crois que, du côté de la Commune, le calcul fut différent. Pache, avec sa manière simple, avec sa ténacité discrète, s’il n’était pas plus brave que Pétion, avait moins que lui la peur des responsabilités. Il ne lui convenait pas de fermer les yeux sur un mouvement qui pouvait s’achever en révolution. Il tenait à lier à la Commune les organisations révolutionnaires qui commençaient à surgir, afin de les contrôler, de les contenir, de prévenir les démarches inconsidérées, mais afin de prendre aussi, aux heures critiques, sa part des responsabilités décisives. Il avait conscience de la grandeur du rôle que pouvait jouer la Commune, et il entendait qu’elle ne lui ni débordée par des téméraires, ni écartée par eux du premier plan de l’action et du péril. Il savait qu’en période révolutionnaire il fallait être présent à tous les événements pour n’être pas entraîné à l’aveugle ou compromis.

Plus tard, quand dans un mémoire justificatif, à la fois modeste et fier, il résumera son œuvre au ministère de la guerre et à la mairie de Paris, il écrira :

« Si mon administration est singulièrement remarquable parce que, dans le choc le plus terrible des factions les plus puissantes, les plus astucieuses, les plus aigries, presqu’au moment de la naissance de la République, et cependant de sa probable destruction, les rives de la Seine n’ont point été ensanglantées, et si je marche avec une écharpe sans tache, entre les terribles massacres du Champ-de-Mars, les funèbres événements du 2 septembre et les malheureuses répressions des égarements du 10 thermidor et du 11 vendémiaire qu’un maire bien intentionné eût prévenues ; enfin, si me servant ouvertement de tous les partis lorsqu’ils présentaient des vues et des tendances utiles à la marche de la Révolution et à l’établissement de la République, et les contrariant tous aussi nettement lorsqu’ils se livraient aux projets de leurs