Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/424

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dont l’erreur même est respectable, ont dit : « Au nom de la patrie, unissez-vous. » Eh ! comment ? Assurément il faut immoler ses passions, mais peut-on sacrifier ses devoirs ?… Nos commettants nous ont-ils envoyés pour autoriser le brigandage, ou pour l’arrêter ? Pour disséminer l’anarchie ou pour la réprimer ? Pour ordonner les massacres ou pour les punir ?… Cette haine vigoureuse que les gens de bien doivent aux méchants, elle est, au moment où nous sommes, et dans le poste que nous occupons, plus que jamais indispensable, plus que jamais respectable et sainte.

« Et d’ailleurs, où le trouverez-vous ce lien assez fort pour retenir ensemble unis des législateurs et des anarchistes, des citoyens et des conspirateurs, des assassins et leurs victimes ?… Nous les accusons d’avoir voulu, comme en septembre, s’emparer de tous les pouvoirs, de toutes les armées, de tous les trésors de la république. Nous les accusons d’avoir voulu se gorger de dépouilles, boire le sang du peuple, par la masse de Paris et pour son intérêt apparent opprimer Paris même, écraser les départements, et, pour prix de quatre années de révolution, remettre aux fers le souverain. Nous les accusons d’avoir toujours voulu depuis sept mois, et de vouloir encore désorganiser, piller, proscrire, massacrer et, sous un roi mannequin, régner.

« Et nous composerions avec eux, nous ! Jamais ! Jamais ! nulle trêve possible entre de fiers républicains dévoués à la liberté et des perfides royalistes résolus à la tyrannie ! Entre la vertu et le crime, guerre implacable, guerre éternelle ! On ne vit point, il était impossible qu’on vît aux derniers beaux jours du Sénat de Rome, Caton négocier avec Catilina, ni Brutus embrasser César. »

Oui, ô Louvet ! ce sera la guerre implacable demandée par toi ! C’est le 10 mai, que le Patriote français reproduisait cet appel au combat. Et dans le numéro du 10, le journal girondin, comme excédé de la lenteur de l’adversaire, l’invite à la lutte suprême :

« Ils veulent toujours en finir, et n’en finissent jamais. Maintenant le grand projet à l’ordre du jour est d’exterminer les hommes d’État, les Girondins, les modérés, les etc., à l’aide des citoyens enrôlés pour marcher contre les rebelles. Misérables ! vous croyez que des républicains qui quittent leurs foyers et leurs familles pour faire triompher la liberté, se rendront les exécrables instruments de l’anarchie, du pillage, du meurtre, et en définitif de la contre-révolution ! Si vous comptez sur eux, vous n’en finirez pas encore. Ils ont découvert un autre moyen, un grand moyen ! Ils veulent organiser une armée révolutionnaire de femmes. Ces femmes commencent par s’assembler dans une salle des Jacobins. Lâches, vous avez raison ; ces femmes ont plus de courage que vous ; mais, malgré leur secours, vous n’en finirez pas encore. Vous n’aurez même pas l’horrible honneur de quelques massacres : vous savez que nous sommes prêts. »