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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/435

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été abandonnée ; soutenez-la contre les furieux qui la menacent ; frappez de terreur nos Marius, et je vous préviens que rien n’égale leur lâcheté, si ce n’est leur scélératesse. »

Le bruit courait que le texte de l’adresse adoptée par la section en réponse à cet appel désespéré avait été envoyé par Lasource. Et il y eut bien des résistances. Garrau écrivait, dans le post-scriptum de la lettre du 15 mai que j’ai citée :

« L’adresse des citoyens de Bordeaux à la Convention nationale, ouvrage de quelques intrigants, n’a pas eu dans le département beaucoup d’approbateurs.

« Plusieurs sociétés populaires ne se sont pas contentées de la rejeter : elles en ont improuvé les motifs et le style. »

À Marseille, qui semblait avoir échappé depuis des mois à l’influence girondine, il y eut un revirement inouï. En décembre, janvier, février, c’étaient les Montagnards les plus ardents, les plus véhéments, qui, dominaient. Les hésitations des députés de la Gironde à frapper le roi avaient excité l’indignation des révolutionnaires. Ils avaient délégué, à Paris, pour hâter le jugement et la mort de Louis XVI, Alexandre Ricord qui, le 21 janvier, écrivait au Club marseillais :

« Aujourd’hui vingt-un janvier 1793, à dix heures et vingt minutes avant midi, et sur la place de la Révolution, Louis Capet, dernier roi de France, a été fait pic, repic et capot. »

Marseille illuminait pour fêter la mort du roi.

Les bataillons marseillais rentraient avec des drapeaux dont les cravates étaient teintes du sang de Louis, et les fédérés portaient au bout de leurs baïonnettes des mouchoirs trempés dans le sang du tyran. La fermentation était extraordinaire. Paris, faisant écho à la propagande des Enragés, annonçait que la mort du roi était le symbole de la chute des anciennes puissances, le signe d’un ordre nouveau où les pauvres ne seraient plus pressurés par les riches. Tous les députés des Bouches-du-Rhône qui avaient voté l’appel au peuple étaient dénoncés et flétris. La Société populaire écrivait à Barbaroux : « Nous te vouons, toi et tes adhérents, au mépris, à l’infamie et à l’exécration nationale. C’est ainsi que pense la sainte Montagne de Marseille. » Rébecqui, outragé, débordé, donnait sa démission de la Convention, et s’établissait à Avignon, pour surveiller sans doute de plus près les événements. Barbaroux restait à son poste, mais il écrivait à ses anciens mandants qu’ils avaient flétri son cœur. Tous les citoyens suspects de modérantisme étaient désarmés, même de leur couteau, et il semblait que Marseille était le foyer toujours plus ardent d’une révolution toujours plus exaspérée.

Le maire Mouraille, le procureur de la Commune Seytre paraissaient suivre le mouvement, se prêter à toutes les demandes des clubs, seconder