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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/464

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soutiens qu’il suffit du simple bon sens pour voir qu’il n’y a que la République qui puisse tenir à la France la promesse que la monarchie lui avait faite en vain depuis deux cents ans : la poule au pot pour tout le monde. »

C’est l’idéal d’une démocratie athénienne, à la fois raffinée et populaire, épurée des vices des cours mais éclatante du génie des arts et de la richesse du commerce, délicate et plantureuse, que Desmoulins et les Jacobins proposaient à Paris pour l’entraîner à fond dans la lutte contre la Gironde. C’est dans la même pensée que Léonard Bourdon, commentant, le 20 mai, aux Jacobins le vote de l’emprunt forcé, disait : « La mesure de l’emprunt forcé est d’autant plus avantageuse qu’elle attache les riches à la Révolution, et qu’elle devient une raison puissante pour eux de désirer et d’accélérer la paix. »

Pendant ce temps les partis étaient violemment aux prises dans la Convention. C’est à propos d’un abus de pouvoir de la section des révolutionnaires de l’Unité que se noua la bataille. Le juge de paix Roux avait été arrêté illégalement, comme le reconnaît Chaumette lui-même, non par les autorités constituées, mais par le Comité révolutionnaire. Quelques citoyens protestèrent, et la Gironde en prit texte pour accabler « les anarchistes ». Le débat fut orageux. La Convention siégeait, depuis le 10 mai, dans la nouvelle salle aux Tuileries. La Gironde croyait que là elle serait mieux défendue contre l’intervention des tribunes qui étaient assez reculées ; mais elles étaient pleines d’un peuple toujours plus ardent, dont les huées parvenaient, par dessus toute l’assemblée, jusqu’à l’orateur. Le 18 mai, Guadet s’éleva avec force contre cette « tyrannie », et il développa soudain tout un plan de résistance évidemment préparé et arrêté dans les réunions qui se tenaient chez Valazé. « Jusques à quand, citoyens, s’écria-t-il, dormirez-vous sur le bord de l’abîme ? Jusques à quand remettrez-vous au hasard le sort de la liberté ? Il en est temps encore, prenez de grandes mesures, vous sauverez la République et votre gloire compromises. Les autorités de Paris ont souvent dépassé les limites que leur imposaient les lois. Elles se sont permis d’en interpréter le sens. Je demande qu’elles soient cassées. Elles peuvent être remplacées par les présidents des sections. Je demande, en même temps, que nos suppléants se réunissent à Bourges dans le plus bref délai, mais qu’ils ne puissent entrer en fonction que sur la nouvelle certaine de la dissolution de la Convention. Je demande, enfin, que ce décret soit porté par des courriers extraordinaires dans les départements. Quand ces mesures auront été adoptées, nous travaillerons avec une complète tranquillité d’esprit et comme des hommes qui ont mis en sûreté le dépôt sacré à eux confié. »

C’était un plan détestable. D’abord, il témoigne que Guadet se faisait d’étranges illusions sur l’état d’esprit des sections parisiennes. Sans doute, la bourgeoisie y était puissante encore, et à la Commune même, plusieurs orateurs marquèrent plusieurs fois leur crainte de voir les Girondins nommer