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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/466

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Sans doute, dit-il, il y avait des préparatifs insurrectionnels sur lesquels il était nécessaire de veiller ; mais la dissolution des autorités constituées serait le signal de l’anarchie. Et il proposa la nomination d’une commission de douze membres, chargés d’examiner la situation politique, de rechercher tous les complots qui menaçaient la liberté et la loi. La Gironde n’ayant pu faire aboutir la motion de Guadet, s’empressa de tourner à son usage la Commission des Douze. Elle la composa, en grande majorité, d’hommes qui lui étaient dévoués. Sept des commissaires : Boyer-Fonfrède, Rabaut-Saint-Etienne, Kervélégan, Boileau, Mollevaut, Henri Larivière, Bergoling, étaient des Girondins passionnés. Quatre, Saint-Martin-Valogne, Gomaire, Bertrand (de l’Orne) et Gardien, étaient de nuance moins marquée, mais peu favorables à la Montagne. Le douzième, Viger, siégeait depuis quelques jours seulement à la Convention. Ainsi, la proposition un peu ambiguë de Barère, qui avait visé toutes les agitations de tous les partis, recevait, en fait, une application nettement girondine et prenait d’emblée un caractère offensif. La Commission des Douze apparaissait comme une commission de combat. Comment la Montagne, les Jacobins, la Commune, le Comité révolutionnaire, répondirent-ils à ce coup ? Le 19, les Jacobins hésitent encore. Dès l’ouverture de la séance, un d’eux monte à la tribune et dit : « Ou j’ai mal entendu, ou le procès-verbal que l’on vient de lire fait mention de la proposition faite par un membre de faire descendre le peuple des tribunes de la Convention et de l’inviter à siéger avec les Montagnards, pour rendre leur parti dominant. Pour moi, je ne croirai jamais que les Jacobins, qui sont les amis des lois et qui rendent hommage au principe de la souveraineté nationale qui réside dans la Convention, aient pu adopter une pareille mesure qui compromet la société. »

C’était le désaveu de la phrase véhémente de Legendre, de celui qui n’avait pas servi aux tribunes « du Robespierre ». Il fut entendu que l’appel du robuste et compromettant boucher disparaîtrait du procès-verbal. Mais quoi ! toutes les prudences de la société jacobine ne peuvent arrêter l’inéluctable crise : voici que les Jacobins mêmes sont comme envahis par des délégués du club des Cordeliers et de la Société révolutionnaire des femmes. Et, ces citoyens et citoyennes somment presque la société jacobine d’agir enfin de marcher. D’abord interrompus par des murmures, ils s’imposent bientôt par la force de la logique révolutionnaire.

« Mandataires du peuple, la patrie est dans le danger le plus imminent. Si vous voulez la sauver, il faut employer les mesures les plus rigoureuses. (Bruit.)

« Je réclame, s’écrie l’orateur, la plus grande attention. »

Le calme renaît.

Il continue : « Sinon le peuple va se sauver lui-même ; vous n’ignorez pas que les conspirateurs n’attendent que le départ des volontaires, qui vont combattre nos ennemis de la Vendée, pour immoler les patriotes et tout ce