Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/471

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se défendre par des affiches contre les libelles et les placards qui l’accusaient d’avoir été moine et de gaspiller maintenant dans un luxe d’aristocrate les fonds de la municipalité, ne fournissait guère de prétexte à des poursuites légales. Il avait des accès de violence sentimentale, des effusions de colère lyrique sur les misères du peuple. Mais il s’abstenait le plus souvent, et peut-être toujours, de toute provocation brutale à l’insurrection.

Au contraire, les excès de langage d’Hébert, ses provocations tous les jours plus audacieuses à l’action révolutionnaire donnaient prise à la Gironde. Déjà, dans son numéro du 4 mai, le Patriote français avait cité quelques phrases meurtrières d’Hébert :

« On prendra une idée des horreurs que se permettent ici les anarchistes par l’article suivant du Père Duchesne publié hier (c’est-à-dire le 2 mai). Observez qu’il a été publié à un moment où l’on annonçait que plusieurs sections étaient en état d’insurrection, et que des faubourgs se portaient sur l’Assemblée pour la forcer de taxer les grains. Et ce sont des magistrats du peuple qui se permettent de pareilles scélératesses ! Et ils ne sont pas dénoncés, poursuivis ni punis ! Que les départements méditent ces faits et voient s’il est possible d’établir jamais l’ordre ici, lorsque les magistrats du peuple le renversent, impunément chaque jour :

« Le feu couve sous la cendre (écrit Hébert) et la bombe est prête à éclater. Brissotins, rolandins, le tocsin de la liberté va bientôt se faire entendre, l’heure de votre mort va sonner ; ceux qui ont exterminé la royauté sauront anéantir les intrigants et les traîtres ; avant qu’il soit l’âge d’un petit chien, tous les avocats de Capet iront le rejoindre ; la poire est mûre, il faut qu’elle tombe, foutre. — Signé : Hébert, substitut du procureur de la Commune. Extrait de la grande colère du Père Duchesne contre Jérôme Pétion. »

Hébert, ayant continué pendant tous les jours de mai ses appels violents, était tout désigné aux rigueurs de la Commission des Douze.

Le numéro 239 du Père Duchesne, pour le 24 mai, était très agressif. Le titre suffit à en marquer le ton : « La grande dénonciation du Père Duchesne à tous les sans-culottes des départements, au sujet des complots formés par les Brissotins, les Girondins, les Rolandins, les Buzotins, les Pétionistes, et toute la foutue séquelle des complices de Capet et de Dumouriez, pour faire massacrer les braves Montagnards, les Jacobins, la Commune de Paris, afin de donner le coup de grâce à la liberté et de rétablir la royauté ; Ses bons avis aux braves lurons des faubourgs pour désarmer tous les viédazes qui pissent le verglas dans la canicule et qui, au lieu de défendre la République, cherchent à allumer la guerre civile entre Paris et les départements. »

La Commission des Douze se décida à frapper. Le soir du 24, elle lance deux arrêtés. Par le premier, elle soumettait toutes les sections de Paris à son contrôle :