Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/475

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Sous le coup même des mesures provocatrices de la Commission des Douze, le Conseil de la Commune ne se décidait pas encore à la résistance insurrectionnelle. Il décidait de remettre à la Commission les registres de ses délibérations. Hébert déclarait formellement qu’il allait se soumettre à la loi (le texte est identique en ce point dans le Moniteur et dans la Chronique de Paris), et il s’y soumettait en effet, sans que nul des membres de la Commune tentât de s’y opposer, ou émît un avis contraire. Sans doute, ils hésitaient encore à frapper la Convention en qui, malgré les fautes et les déchirements des partis, la majesté de la nation apparaissait : même les députés coupables en étaient comme enveloppés. Et puis, les propos sanglants tenus par les administrateurs de police et qui, sans doute, étaient connus de tous les comités révolutionnaires dont les délégués assistaient à l’assemblée de la mairie, avaient troublé les cœurs. Si l’on portait la main sur la Gironde, des forcenés n’iraient-ils pas jusqu’à l’assassinat ? C’est cette crainte qui pesait sur le cœur de Paris et qui arrêtait l’élan révolutionnaire. C’est pour la dissiper qu’au début de leur séance de ce jour 24, les membres de la Commune avaient adopté une adresse pressante à la Convention :

« Citoyens, la dénonciation d’un affreux complot a été faite dans votre sein. Déjà, au nom de deux sections, elle a été affirmée. On n’a pas nommé les conspirateurs ; ce silence cruel laisse tomber le soupçon sur tous les citoyens de Paris. Il y a sans doute des coupables à Paris. Pitt et les tyrans coalisés les alimentent ; il faut les démasquer. L’adresse qui vous a été présentée est, sans doute, signée ; les signataires connaissent les coupables ; s’ils sont vraiment patriotes, ils les désigneront et ils doivent être punis. S’il en était autrement, si les dénonciateurs ne désignaient pas ou désignaient vaguement, vous nous en feriez justice. Magistrats du peuple de Paris, investis de sa confiance, notre devoir est de venir vous demander pour lui justice.

« Citoyens représentants, c’est de vous que nous devons l’attendre. Nous venons demander à la Convention, que vous décrétiez la remise de la pétition qui vous a été présentée à l’accusateur public du tribunal révolutionnaire ; que les coupables de Paris, s’il y en a, soient promptement punis ; s’il n’y en a pas, que le fer vengeur tombe, au moins une fois, sur la tête des calomniateurs d’une ville qui a fait et voulu la Révolution laquelle peut nous rendre heureux, si la Convention reste à la hauteur où le peuple français l’a placée. »

À tout prix, la Commune veut que Paris soit délivré de ce cauchemar. Elle espère acculer la section de la Fraternité, démontrer ou le néant du prétendu complot, ou qu’il a été ridiculement enflé. Mais elle se tient prête, si l’enquête démontre en effet qu’il y a des coupables, à les désavouer, à les dénoncer elle-même comme des agents de Pitt, stipendiés par lui pour compromettre la Révolution par des motions outrées et sanguinaires. C’est de cette obsession que les délégués de l’Arsenal, venus ce soir même en grand nombre à la séance de la Commune, demandent à être libérés. C’est avec an-