Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/476

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goisse qu’ils pressent le maire de s’expliquer, de donner des détails. C’est pour les rassurer encore, qu’après le maire, le vice-président de la Commune, Destournelles, insiste à son tour sur l’inanité de la conspiration, sur la nécessité d’une action révolutionnaire à la fois ferme et sage.

« Oui, citoyens, vous êtes ici au sein de vos magistrats, qui sont aussi vos amis. Quand vous nous avez honorés de votre confiance, nous vous en avons parus dignes, nous le sommes encore, nous ne cesserons jamais de l’être. Voici des moments difficiles !Une grande crise s’annonce, elle est près de se déclarer. Que dis-je ! elle l’est déjà. C’est le cas d’être fermes, d’être républicains, mais sans manquer à la prudence et surtout sans s’écarter de la loi. Il ne faut pas que la Révolution démocratique rétrograde d’un pas ; il ne faut pas même qu’elle s’arrête. Gardons-nous toutefois, citoyens, de sortir des bornes, hors le seul cas où une tyrannie nouvelle, portée à un point intolérable, nécessiterait la sainte insurrection qui, aux termes de la Déclaration des Droits de l’Homme, est le plus saint des devoirs.

« Citoyens, vous êtes aussi éclairés que sages ; nous nous en rapportons à vous sur la conduite à tenir dans ces tristes circonstances.

« À l’égard de la demande que vous nous faites sur le prétendu complot dont la dénonciation serait le comble du ridicule, si elle n’était le comble de l’absurde, le citoyen maire a donné l’explication la plus simple. Vous avez dû trouver dans son récit franchise, candeur, avec la clarté qui caractérise tout ce qui sort de la bouche de ce magistrat vertueux. Il ne me laisse rien à ajouter. »

Ces explications transmises par les délégués à la section, ne suffirent point à dissiper les appréhensions des patriotes, ou à déjouer les manœuvres des contre-révolutionnaires et des modérés, car un délégué annonçait à onze heures à la Commune, que la section de l’Arsenal venait de destituer de leurs fonctions tous les sans-culottes.

« À onze heures, un délégué de la section de l’Arsenal informe le Conseil que l’assemblée de cette section a cassé le président et le secrétaire-greffier, et a déclaré tous les membres présents au Conseil incapables de remplir aucune fonction (c’est-à-dire ne réalisant pas les conditions de domicile, comme la suite l’indique). Le Conseil invite les membres de cette section qui sont dans son sein, à se retirer dans la salle de l’Égalité et à vérifier leurs cartes de citoyens, afin qu’on ne puisse dire que ce sont des individus sans aveu et sans domicile. Il nomme deux commissaires pour les accompagner à leur section, y rétablir fraternellement le calme et prouver à tous les citoyens qui seraient égarés, que les faits avancés par la section de la Fraternité sont absolument faux. »

Dans cet ébranlement et cette inquiétude des esprits, même de quelques révolutionnaires, il était impossible à la Commune de prendre une offensive immédiate. Elle ne pouvait qu’adopter une tactique expectante et ferme, sur-