Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/486

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aurait demandé, en même temps, des secours provisoires après un jour d’emprisonnement, pour un homme qui occupe une place importante et qui gagne au moins 12 000 livres.

« Il semble que Monsieur Chaumet ait aussi abandonné le peuple, qu’il ne connaisse plus le peuple et que les deux partis se disputent aux yeux du peuple même à qui fera le plus de sottises. »

Il paraît, en effet, d’après le compte rendu de la Chronique de Paris, plus complet en ce point que celui du Moniteur, que Chaumette ne parla guère ce soir-là en homme d’action. Il se perdit en divagations sentimentales ou enfantines, plaida pour la Commune d’un ton pénétré et larmoyant, et s’offrit lui-même à partager les fers d’Hébert ou bien de chercher le moyen de les briser.

« Chaumette a été voir Hébert dans sa prison et rend compte de sa visite. Hébert est tranquille et prie le Conseil de l’être sur son compte ; mais, dit-il, on attaque la liberté de la presse en attaquant Hébert comme journaliste ; et il demande que la chambre où est Hébert soit appelée chambre de la liberté de la presse. (Vraiment il s’agit bien de cela, et ces enfantillages en une heure de crise ont quelque chose d’irritant.) Car il y avait à la Bastille la tour de la Liberté. Dumouriez, dit-il, comptait si bien sur un mouvement dans Paris qu’il l’annonçait dans une lettre ; pendant que Dumouriez calomniait Pache, Pache exposait sa vie pour le peuple dans la rue des Lombards où il a failli être terrassé. (Notez que c’est en luttant contre ceux qui enlevaient les denrées dans les boutiques, et que Chaumette insiste assez platement sur l’esprit de légalité de la Commune.)

« Notre grand crime est d’avoir maintenu le pain à 3 sols la livre. Vous connaîtrez à la fin vos ennemis et vos amis et vous rendrez justice à vos magistrats. On nous reproche, je le répète, d’avoir maintenu le pain à 12 sols les 4 livres ; les indemnités ont été prises sur les riches, sur les impositions des riches, et ils ne nous le pardonnent pas. Celui qui est propriétaire paie le pain 16 sols la livre, il n’y a que le pauvre qui y gagne ; nous avons tout fait pour le pauvre et voilà notre crime aux yeux des riches qui sont nos plus grands ennemis. Un autre crime est d’être unis, notre union nous rend redoutables aux malveillants, et pour nous renverser on voudrait nous désunir.

« Chaumette fait ensuite une digression sur le cardinal de Richelieu. Ce cardinal, dit-il, dit un jour à une dame de la cour : « Donnez-moi quatre lignes d’un homme et je le ferai pendre. » (C’est sans doute pour défendre Hébert, inculpé à cause de quelques articles, que Chaumette conte cette douteuse anecdote.) Rienzi voulait rendre son pays libre et eut le malheur de dire : « Je veux l’autorité » et en abusa. Il se fit chevalier, dictateur et fut assassiné parce qu’il trahit le peuple sous prétexte de le servir. Si nous avons des Rienzi, il faut les démasquer et les punir. Je vois les Français contre les Français, les citoyens contre les citoyens, quel spectacle !… Nos ennemis