Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/485

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été violent, jamais il n’aurait brisé ses fers. Et moi aussi, je fus au timon de l’État dans le temps d’orage. Je défie ceux qui me supposent une fortune immense de m’accuser. On m’a demandé des comptes, je les ai rendus, je demande à les rendre encore de nouveau devant un tribunal révolutionnaire.

« Je reviens à mon premier objet. Je dis que ce qui peut doubler la force nationale, c’est d’unir Paris aux départements ; il faut bien se garder de les aigrir contre Paris. Quoi ! cette cité immense qui se renouvelle chaque jour, ce centre politique où tous les rayons aboutissent, porterait atteinte à la représentation nationale ? Paris, qui a brisé le premier le sceptre de la tyrannie, violerait l’arche sainte qui lui est confiée ? Non, Paris aime la Révolution ; Paris, par les sacrifices qu’il a faits à la liberté, mérite les embrassements de tous les Français. Ces sentiments sont les vôtres ? Eh bien ! manifestez-les ; déclarez que Paris n’a jamais cessé de bien mériter de la patrie. Rallions-nous, que nos ennemis apprennent à leurs dépens que la chaleur de nos débats tient à l’énergie nationale ; qu’ils sachent que vous serez toujours prêts à vous unir pour les terrasser ; qu’ils sachent que si nous étions assez stupides pour exposer la liberté, le peuple est trop grand pour la laisser périr. »

Oui, mais quel était à cette minute le plan de Danton ? Et pouvait-il espérer encore le rapprochement des partis et l’apaisement ?

Cependant, l’agitation croissait dans les sections, mais rien de décisif encore ne s’annonçait. À en croire Dutard, la séance du Conseil de la Commune, le 25 au soir, fut morne, et Chaumette se dépensa en vain pour échauffer un peu les enthousiasmes.

« Avant-hier soir (il écrit le 27) M. Chaumet s’est débattu comme un petit diable, il nous a accusés, nous autres journalistes, d’être les mouchards de la faction Brissotine ; il s’est déchaîné contre nous d’une terrible manière, il a pleuré, il a fait éclore des éjaculations qui semblaient partir de son âme toute entière, il s’est débattu, a donné des pieds et les mains. Le peuple était froid et le Conseil abattu.

« Le malheureux, depuis qu’il est devenu sénateur, politique publiciste et presque en même temps, a cessé d’être révolutionnaire ; il ne s’est pas aperçu que plus il faisait d’efforts pour témoigner la peine que lui causait l’embastillement d’Hébert, et plus il prouvait au peuple son impuissance, son infériorité et sa faiblesse : « Si tu es Dieu, comme tu nous le dis, délivre-toi toi-même ».

« Monsieur Chaumet a eu la sottise d’afficher qu’il avait été mousse et non moine ; et pour prouver qu’il n’est pas un fripon et qu’il n’a pas prévariqué dans la place qu’il occupe, il a ajouté que, depuis qu’il était en place, il s’était borné « à payer des dettes qu’une honorable indigence lui avait fait contracter. »

« Enfin, le soir de l’embastillement, il a exposé qu’Hébert n’était pas fortuné, qu’il avait une femme et un enfant. S’il l’avait osé, j’ose le croire, il