Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/512

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seul remède à nos maux. La Convention actuelle ne peut nous en guérir. Il n’y a plus, il ne peut plus y avoir de discussion, cette séance l’a prouvé. »

Le peuple qui enveloppait et pénétrait la Convention, aurait pu sans doute pousser plus loin ce soir-là ses avantages et exiger non seulement la cassation des Douze, mais l’élimination de la Gironde, le procès des vingt-deux. C’est l’opinion de Dutard, intéressante parce qu’elle fut exprimée dès le lendemain, qu’il aurait suffi de la plus légère impulsion pour mener les choses jusqu’au bout :

« La Convention a couru hier de plus grands dangers qu’on ne pense ; car, si une ou deux sections s’étaient portées en masse à la Convention, il n’en fallait pas davantage pour l’anéantir, parce qu’elles auraient attiré toute la populace, et la faction au moins subalterne n’aurait pas manqué de se montrer. »

Mais il n’y avait pas ce soir-là de mot d’ordre décisif : la force du peuple n’avait pas été organisée pour l’insurrection et c’est encore à l’intérieur de la Convention que les Montagnards voulaient résoudre la crise.

Les Jacobins réunis ce soir-là écoutent un moment des propos vagues et inefficaces ; mais ils évitent tout ce qui pourrait ressembler à un signal d’action. Quand un membre propose « de nommer des commissaires pour prêcher le patriotisme dans les sections », Hassenfratz s’écrie : « Nous sommes tous commissaires, nous prêchons tous le patriotisme » et la Société passe à l’ordre du jour, éludant ainsi une mesure qui lui aurait donné la responsabilité du mouvement ; après avoir entendu une déclaration véhémente de la citoyenne Lecointre qui affirme au nom des républicaines révolutionnaires que « ses compagnes ne sont pas des femmes serviles, des animaux domestiques et qu’elles se formeront en phalange pour écraser les aristocrates », les Jacobins se hâtent de lever leur séance à neuf heures et demie, sans attendre le résultat de la grande lutte engagée à la Convention et comme pour marquer qu’elle seule doit décider dans sa liberté souveraine.

Au contraire, la Commune veilla très avant dans la nuit, recevant sans cesse des délégations des sections qui se déclaraient en permanence, et attendant d’heure en heure des nouvelles de la Convention. À minuit un quart la nouvelle de la cassation de la Commission des Douze est accueillie par les applaudissements enthousiastes du Conseil et des tribunes. C’était bien en effet la défaite de la Gironde. Qu’importe que le lendemain les Girondins essaient de se ressaisir ? Qu’importe que sur la motion de Lanjuinais et après de longs débats, ils décident la Convention à revenir sur le décret voté la veille et à rétablir la Commission des Douze ? Celle-ci, qui n’avait pas su se défendre dans la Convention et qui, après avoir provoqué le peuple de Paris par l’arrestation d’Hébert n’avait même pas su prendre les précautions nécessaires contre le moindre soulèvement, n’était plus qu’un fantôme. La Convention d’ailleurs, au moment même où elle paraît restituer la