Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/511

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

impur va se verser. » Et il conclut en l’accusant d’une inexcusable faiblesse : « et Garat parle de son amour pour la morale sociale, y en a-t-il donc sans ces principes ? Il rappelle le journal qu’il a fait, et où il en donnait des leçons ; journal qui, comme sa conduite ministérielle, sera dans beaucoup d’endroits un monument de sa faiblesse et de ses capitulations éternelles avec le parti dominant. »

De la séance même, le journal girondin trace un tableau lugubre, et il termine enfin par des imprécations contre Garat, par un anathème à la Convention impuissante, par un appel désespéré à une Assemblée nouvelle :

« Il était près de neuf heures ; une partie des députés avait quitté la salle, une foule d’étrangers et de pétitionnaires remplissaient les bancs. On demande à grands cris que la séance soit levée ; on demande que les étrangers sortent. Le tumulte était affreux, l’Assemblée ne présentait plus que le spectacle d’une arène où, dans presque tous les partis on se menaçait, où des anarchistes avaient été se mêler parmi leurs adversaires, et les provocations et les insultes avaient lieu à chaque mot. Certes, à une pareille heure, après douze heures de séance, au milieu d’un tumulte aussi violent et dans l’impossibilité où l’on était de vérifier si les étrangers n’opinaient pas, il eût été du devoir du président de lever la séance. Mais les anarchistes qui avaient monté leur coup, s’y opposaient. Ils voulaient qu’on consultât l’Assemblée, ce qui était absurde, car il n’y avait plus d’Assemblée, cependant on la consulte et une infiniment petite majorité décide que la séance sera continuée.

« Fonfrède, qui avait remplacé Isnard, quitte le fauteuil et le cède à Hérault. Hérault ! jadis ouvertement aristocrate, puis feuillant, puis patriote, puis ambitieux, enfin anarchiste par peur, c’était une nouvelle machine sur laquelle le coin avait compté pour réussir.

« … Ces députations, préparées d’avance, débitent au milieu du tumulte leurs diatribes contre la Commission des Douze, et parlent de troisième révolution, de justice du peuple, de canons. Hérault leur répond par des lieux communs entremêlés de flagorneries pour le peuple des tribunes, et violant ensuite le règlement qui veut qu’on ne délibère que dans le calme, la justice qui voulait qu’on entendît la Commission avant de la condamner, il met aux voix, au milieu du vacarme le plus effroyable, cette cassation de la Commission, et prononce qu’elle a été décrétée, lorsque l’assemblée n’a ni délibéré, ni pu délibérer ! Il était alors plus de minuit !

« Hérault, tu répondras un jour à la France de l’opprobre qu’une pareille séance, qu’un pareil décret jettent sur la Convention ! Garat, tu répondras un jour à la France des malheurs inévitables où va nous plonger ce succès de l’anarchie, de cette anarchie à laquelle tu prêtas ton appui par faiblesse… Mais que les départements jugent par le récit fidèle de cette séance dans quel état est maintenant la Convention et s’il ne faut pas enfin convoquer ces assemblées primaires, invoquées dix fois encore aujourd’hui. C’est le