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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/523

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Douze, parmi les ennemis les plus dangereux de la patrie. Du reste, tout se résume à ceci : « Insurrection semblable à celle du 14 juillet et du 10 août, précipitation, dans cette mesure et pour cela, l’assemblée s’est ajournée à demain, neuf heures du matin, à compter de quelle heure elle sera permanente ».

De cette communication très importante faite à la Commission des Douze, il ressort que, dès le 29, l’insurrection était, si je puis dire, constituée. Elle avait son plan, puisque Dufourny ramène au silence les imprudents qui risquaient de le divulguer. Elle avait son organe exécutif, car cette Commission des Six parle en souveraine aux délégués eux-mêmes. Dufourny les avertit que s’ils délibèrent trop longtemps ils ne seront pas de la fête : c’est donc que la Commission exécutive est assurée d’être suivie directement par les sections, aussitôt qu’elle aura donné le signal du mouvement, et qu’elle est, dès lors, résolue à ne pas s’arrêter aux difficultés et objections que même les délégués des sections, préoccupés peut-être de leur responsabilité, pourraient lui opposer. En même temps que la Commission des Six est décidée à mettre les événements en branle par l’initiative énergique d’une toute petite minorité, elle se préoccupe d’élargir le mouvement aussitôt créé, d’y entraîner et d’y compromettre tout Paris. À cet effet, le discours d’Isnard, qui avait blessé et alarmé tous les Parisiens, aussi bien les possédants que les sans-culottes, était infiniment précieux. Contre Isnard, il serait facile de soulever d’abord tout Paris, et une fois soulevé, Paris serait entraîné à marcher contre toute la Gironde. Lorsque Blanqui, qui avait étudié si passionnément tous les ressorts révolutionnaires de 1793, disait : « On ne crée pas un mouvement, on le dérive », il formulait la tactique d’entraînement et de substitution révolutionnaire que Dufourny indiquait à la réunion de l’Évêché.

Mais, précisément pour entraîner tout Paris, pour confondre dans un même mouvement les prolétaires et les bourgeois, les sans-culottes et les marchands, il fallait rassurer Paris au sujet des propriétés, et voilà pourquoi je notais tout à l’heure que le vif propos sur les riches auxquels on prendrait d’abord leurs armes, en attendant de leur prendre « leurs écus et leurs assignats », n’était, à l’Évêché, qu’une boutade individuelle. Rassurer les propriétaires fut, dès le 29, un des plus grands et des plus pressants soucis des révolutionnaires de l’Évêché, comme en témoigne ce que dira le lendemain Hasenfratz aux Jacobins :

« La section de la Cité a invité les quarante-sept autres sections à se réunir à elle par des commissaires, pour délibérer sur les moyens de salut public. Hier, la réunion s’est effectuée.

« La première délibération a eu pour objet de calmer les inquiétudes des propriétaires. Pour cet effet, la section a arrêté que toutes les propriétés sont sous la sauvegarde des sans-culottes, qui s’engageront tous de livrer au glaive de la justice quiconque exécutera la plus légère atteinte aux pro-