Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/527

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

qu’en désignant ainsi le chef de la force armée parisienne, à la demande et sous l’inspiration des sections révolutionnaires, elle accomplirait le premier acte insurrectionnel ; elle se récuse, et le président répond que « la Convention ayant déterminé le mode de nomination du commandant général, il ne reste que des vœux à former à ce sujet ». C’était dire à l’Évêché : La Commune ne peut pas ouvertement violer la loi. C’est à vous à décider : nous suivrons. La Commune se récuse encore, ce même soir, 29 mai, quand la section des Gravilliers veut l’associer, à propos de la Fête-Dieu, aux premiers essais de la politique violemment antireligieuse où bientôt s’épanouira l’hébertisme.

« La section des Gravilliers fait part d’un arrêté par lequel elle invite le curé de Saint-Nicolas à ne point faire de procession dans l’étendue de son arrondissement. Le Conseil passe à l’ordre du jour, motivé sur ce qu’il ne veut pas se mêler des affaires des prêtres, et que, s’il arrive des troubles, on punira ceux qui les auront occasionnés (compte rendu du Moniteur, la Chronique n’en parle pas).

Donc, en cette nuit de printemps où les révolutionnaires s’attardaient à la fois à l’Évêché, aux Jacobins, à la Commune, c’est l’Évêché qui domine. C’est lui qui suggère les actes hardis ; et on dirait qu’il constate l’impuissance et l’irrésolution des « autorités constituées », afin de pouvoir en toute liberté et en toute audace assumer le premier rôle officiellement déserté par les administrateurs.

Robespierre s’effraya-t-il de cette primauté des Enragés qui, le lendemain de la victoire, seraient les maîtres de la Révolution, comme la Commune révolutionnaire fut, le lendemain du 10 août, maîtresse de Paris ? Est-ce lui qui, pour obvier à l’effacement dangereux des « autorités constituées », conseilla au Directoire du département d’entrer en scène pour grouper sous sa discipline toutes les forces organisées de la Révolution, et réduire à des proportions modestes le rôle de l’Évêché où triomphait Varlet ? C’est l’hypothèse de Michelet, dont le regard perce parfois si avant dans les événements et dans les âmes. Elle est, comme on voit, toute contraire au système de Mortimer-Terneaux ; celui-ci croit, en effet, qu’entre les éléments insurrectionnels de l’Évêché et les autorités constituées de la Commune et du département, il y avait une entente absolue, et qu’on s’était partagé les rôles. La vérité me paraît être qu’il y avait tout ensemble rivalité et accord.

Les autorités constituées (surtout celles du département) et l’Évêché se disputèrent, non sans âpreté, la direction du mouvement ; mais elles étaient prêtes, s’il le fallait, à concerter leur action, et en fait, toutes ces forces parfois divergentes se combinèrent. Le département, pour ne pas être débordé par les Enragés, arrêta, dans la journée du 30, que toutes les autorités constituées et les sections seraient convoquées le 31, à neuf heures du matin, dans la salle des Jacobins.