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Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/533

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régime déguisés assiège le cabinet ministériel et, par leur importunité, ces êtres bas et rampants obtiennent des places… Adieu, je vous embrasse fraternellement.

L. Hoche,
rue du Cherche-Midi, no 294. »

Ce fraternel baiser révolutionnaire du jeune Hoche, si noblement ambitieux, mettait Marat au-dessus des factions. En allant droit à l’Évêché, où les Enragés étaient puissants, il n’abandonnait pas toute défiance envers ceux-ci, il continuait à détester et à mépriser Fournier l’Américain ; mais à l’heure où la Révolution avait besoin de toutes les forces du peuple, il ne voulait être lié par aucune prévention, et il reconnaissait, dans son journal, avoir été mal renseigné sur Landrin, qu’il avait si violemment dénoncé comme aristocrate à propos des journées de mars. Son but était de grouper et d’animer toutes les énergies, et de discipliner le mouvement. Que nul ne lève la main sur la Gironde, mais que les députés coupables soient livrés, par la force du peuple investissant la Convention, au tribunal révolutionnaire. Voilà le mot d’ordre donné, le 30 mai au soir, par Marat aux révolutionnaires de l’Évêché.

Marat fut acclamé et les délégués décidèrent qu’au matin le tocsin sonnerait pour mettre Paris en mouvement. Aucune force organisée ne veillait pour prévenir l’insurrection. Le Comité de salut public était désemparé. Danton, qui y avait une grande influence, avait certainement, dès le 30, pris son parti de l’insurrection prévue pour le lendemain. Il avait compris qu’il fallait en finir et retrouvant dès lors toute sa vigueur et sa promptitude de décision, il s’employa à empêcher un choc entre le Comité de salut public et le peuple révolutionnaire.

Le Comité de salut public ne pouvait protéger officiellement l’insurrection. Il ne pouvait non plus lutter contre elle, car c’eût été faire le jeu de la Gironde, en compromettant à son service les hommes mêmes dont elle avait outrageusement rejeté les conseils et refusé le concours. Dès lors, il ne restait qu’une tactique au Comité de salut public : faire semblant de ne pas savoir. Barère dit, dans ses Mémoires :

« J’ai appris postérieurement au 31 mai, mais trop tard, que Danton et Lacroix, quoique membres du Comité de salut public, s’étaient placés à la tête de ce mouvement, mis sur le compte de la Commune de Paris. Ils avaient écrit sur le bureau même du Comité, la veille de l’émeute communale, la pétition qu’ils firent passer au procureur de la Commune, lequel osa venir en faire lecture, le 31 mai, à la barre de la Convention, pendant que le commandant Henriot était à la tête de la force armée et des quarante-huit pièces de canon des sections de Paris. Dans cette séance, les députés paraissaient médusés, leurs langues étaient paralysées. Tout le parti du côté gauche