Page:Jaurès - Histoire socialiste, IV.djvu/547

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Pache, malgré sa modestie, avait la conscience du grand rôle qu’il avait joué alors, et plus tard, il le caractérisait en quelques lignes qui n’ont tout leur sens que pour ceux qui comprennent bien cette sorte d’adaptation révolutionnaire à laquelle il se prêta au matin du 31 mai :

« Si le huitième jour de ma mairie, j’ai empêché l’effusion du sang dans le pillage de la rue des Lombards, qu’avait préparé la faction royaliste par accommodement, pour donner occasion à Dumouriez de marcher sur Paris avec son armée, ineffusion de sang qui rendit sa lettre, dictée à l’avance, ridicule par l’authenticité de son mensonge, et vaine par la manifestation de l’intrigue ; si j’ai dissipé, sans coup férir, le rassemblement du 10 mars, à l’occasion duquel des patriotes égarés m’ont diffamé et me diffament encore tous les jours ; si, lors de la trahison enfin déclarée de Dumouriez, d’où suivit comme un torrent la rentrée des Autrichiens dans la Belgique, l’occupation de plusieurs de nos places frontières, la position de leurs avant-gardes à quarante-cinq lieues de la Convention, la perte de nos conquêtes sur le Rhin, l’invasion du département du Bas-Rhin, l’accroissement simultané de la Vendée qui s’approchait aussi de la Convention, j’ai maintenu le calme dans Paris et empêché que des députés traîtres, protecteurs du général traître, ne fussent victimes de la juste indignation des républicains exaspérés de tant de trahisons ; si, dans le mouvement, à l’occasion du renversement de la Commission des Douze, modèle des tyrannies depuis instituées pour parvenir au rétablissement de la royauté par la destruction des patriotes, j’ai maintenu, durant les journées du 31 mai, 1 et 2 juin, un ordre tel que Paris n’en a pas été bouleversé et démoli à n’y plus laisser pierre sur pierre, comme s’en flattaient les deux factions royalistes qui ne celaient, pas plus l’une que l’autre, leur haine pour cette ville, un ordre tel qu’il n’y a pas eu dans ce grand acte de la justice du peuple, qui a sauvé la République à cette époque, une seule égratignure, qu’il n’y a pas eu une vitre cassée ; si, dans les premiers moments, après ces journées mémorables, qui ne convinrent à aucune faction, à aucun parti, à aucune coterie, parce qu’elles ne convenaient qu’à la nation, les membres des comités, incertains, sans concordance, divisés, épars, laissant flotter les rênes, tandis que les agitateurs les plus puissants parcouraient avec les plus grands moyens les départements qu’ils tentaient d’égarer, redoublaient d’efforts dans la Vendée, organisaient la chouannerie, j’ai calmé les cœurs, éclairé les esprits, j’en ai imposé à l’un, j’ai adouci l’autre et soutenant presque seul le mouvement des rouages dans cette divagation des moteurs, empêché la dissolution de l’État désirée par la plupart, ce n’est pas, conclut Pache modestement, par l’effet d’aucun don personnel, mais par la nature même des attributions politiques dont le maire était revêtu. »

Oui, mais si Pache, par bouderie et mauvais orgueil, par susceptibilité à la Pétion, ou vanité déclamatoire à la Roland, n’avait pas accepté,